Compte rendu de la thèse de Confiant
Je dois préciser dès l’abord que ce compte rendu revêt
un caractère un peu particulier. En général, dans
un ouvrage scientifique, on rend compte de travaux dont on juge qu’ils
ont une importance particulière dans le domaine en cause (en l’occurrence,
les recherches en sciences humaines et sociales sur les langues, cultures
et sociétés créoles). Dans cette perspective, je n’aurais
nullement envisagé de rendre compte de la thèse de R. Confiant.
Toutefois, en raison du contexte actuel et du fait que, comme on a pu le
voir dans le numéro 2001/1 d’Etudes créoles, R. Confiant
entend exploiter cet ouvrage dans la confection des guides pour le CAPES
“ Créole ” (sans s final) et, très probablement, valoriser
par là sa thèse et, qui sait, en assurer une forme de promotion
commerciale (il dirige déjà la collection des Guides du CAPES!),
il devient indispensable d’éclairer nos lecteurs sur cet ouvrage
publié en 1999 aux Presses universitaires du Septentrion sous le
titre Kréyol palé kréyol matjé...Analyse des
significations attachées aux aspects littéraires, linguistiques
et socio-historiques de l’écrit créolophone de 1750 à
1995 aux Petites Antilles, en Guyane et en Haïti.
Avant même d’aborder le contenu de ce livre, il faut dire un mot
des conditions de sa parution. Dans un passé lointain, les thèses
de doctorat d’Etat (mais la thèse de R. Confiant n’en est pas une)
ne pouvaient être soutenues qu’après impression. Le changement
du régime des thèses a conduit, plus tard, à créer,
à l’Université de Lille 3, un “ atelier de reproduction des
thèses ” sous forme de volumes d’abord, puis de microfiches, puisque
nombre de thèses n’étaient pas publiées ; le microfichage
des thèses permettait au moins d’en déposer un exemplaire
(sur microfiches) dans chaque bibliothèque universitaire.
Toutefois, on a mis en place, en la circonstance, un système
d’harmonisation dans la présentation matérielle des thèses
(pour en faciliter à la fois le microfichage et la lecture ultérieure)
et de contrôle de leur validité académique et de leur
qualité scientifique. Ce second point on le verra est essentiel
ici.
Plus récemment, une formule nouvelle s’est ajoutée à
ce dispositif et, en accord, semble-t-il, avec les Presses universitaires
de Lille, s’est créée, aux Presses universitaires du Septentrion,
une collection dite “ Thèse à la carte ” qui propose, en
dehors de la formule des microfiches qui demeurent disponibles, des versions
sur papier à tirages limités (d’où le nom de la collection).
Dans tous les cas précédemment évoqués, il
a toujours été bien précisé que les thèses
étaient reproduites “ en l’état ” et que l’atelier ou l’éditeur
déclinaient toute responsabilité quant aux “ coquilles ”
et à la forme des textes reproduits. On comprend par là que
les membres du jury aient été contraints, par les textes,
à prendre position de la façon la plus claire sur la possibilité
pour une thèse d’être ou non reproduite et publiée.
Dans le cas de la thèse de R. Confiant comme dans celui de toutes
les thèses qu’elles publient, les Presses du Septentrion font précéder
le texte d’une note qui commence ainsi : “ Cet ouvrage est la reproduction
en l’état [souligné par l’éditeur en italiques et
en gras] de l’exemplaire de soutenance ”.
Cette mention peut paraître étrange ou anodine à
qui n’est pas familier avec les usages universitaires.Il faut savoir que,
lors de la soutenance d’une thèse, le jury doit choisir entre trois
options (et ce choix est très important) :
1. La thèse peut être publiée sans modifications.
2. La thèse peut être publiée après modifications
proposées par le jury et après attestation par le président
du jury que les modifications exigées ont été faites.
3. La thèse ne peut pas être publiée.
La thèse de R. Confiant étant reproduite et publiée,
on doit admettre que le jury a choisi une des deux premières formules.
En d’autres termes, ou bien la thèse lui a paru satisfaire, dès
la soutenance, aux exigences académiques (choix n°1) et il a
jugé qu’elle pouvait être publiée sous la forme qu’elle
avait. Au vu du livre, cette hypothèse paraît peu vraisemblable,
car on est alors tenté de croire que les membres du jury ne l’ont
pas lue.
Ou bien, seconde hypothèse car je n’ai pas connaissance de ces
indispensables documents, des corrections et des modifications ont été
demandées par le jury. Dans ce cas, de nombreuses modifications
et corrections qui ont dû être imposées à l’auteur
n’ont pas été faites. C’est de la responsabilité du
candidat, mais en tout état de cause, il est obligatoire que le
président du jury donne son accord FORMEL avant publication, ce
qui paraît un peu difficile pour un grand nombre de raisons qui apparaîtront
dans la suite.
Peu importe donc, après tout, qui est responsable (le jury et
le candidat ont à régler cette affaire entre eux!) mais,
sous la forme publiée par les Presses du Septentrion, le travail
est censé satisfaire toutes les exigences du jury, si bien
entendu, les formes légales ont été respectées.
Or la lecture du texte amène à se poser des questions.
Je ne sais pas quelle mention a été accordée à
cette thèse, mais en tout cas, je suis très étonné
devant une série de constats dont cet article fera inévitablement
une recension partielle.
D’une certaine façon, ce compte rendu aura plutôt la forme
d’un pré-rapport de soutenance. là encore, quelques mots
d’explication sur les usages universitaires français. Avant d’admettre
une thèse à soutenance, le travail est soumis à deux
pré-rapporteurs qui doivent se prononcer sur le fait de savoir si
la thèse peut être admise à soutenance. Dans cette
phase de la procédure, il s’agit d’abord, pour les pré-rapporteurs,
de juger de la forme et de la qualité académique du travail.
Si l’on juge que la thèse n’est pas digne d’être soutenue,
on le dit et on refuse, de facto, de participer au jury. Ce jugement est
donc relativement indépendant de l’opinion qu’on peut avoir des
hypothèses ou des théories présentées par le
travail. Dans le cas de la thèse de R. Confiant, on voit mal comment
des pré-rapporteurs, s’ils ont eu en mains le texte publié,
on pu conclure que cette thèse était en état d’être
soutenue (c’est la formule rituelle).
La forme, dans ses aspects les plus modestes, joue naturellement un
rôle important. Toute thèse présente inévitablement
des coquilles, des fautes de frappe, voire des fautes d’orthographe qu’on
s’efforce de faire disparaitre ensuite en cas de publication; il est d’usage
de les relever mais de n’en pas faire mention explicite dans la soutenance
(dans un pré-rapport on demande au candidat de revoir ou de faire
revoir soigneusement son texte ; lors d’une soutenance, on donne au candidat
le relevé qu’on a pu faire de ces fautes pour qu’il les corrige).
Il ne s’agit pas ici de faire un relevé des fautes d’orthographe
de cet ouvrage. Un exemple toutefois de l’ordre de certaines erreurs qu’on
est étonné (au sens le plus étymologique) de trouver
dans la prose d’un candidat au doctorat. Comme je l’ai signalé dans
mon précédent compte rendu des deux Guides, R. Confiant ne
connaît pas la différence orthographique entre “ voie ” (<
via) et “ voix ” (<vox) ; le lecteur en rest pantois. On trouve d’autres
fautes toute aussi inattendues car elles relèvent de l’orthographe
d’usage la plus courante (en outre le correcteur orthographique de tout
ordinateur les signale au rédacteur). On observe ainsi que R. Confiant
écrit “ québecquois ” (page 118), “ portuguais ” (page 218),
“ linhuistique ” (page 256), “ rennaissance ”, “ affixe de [sic] aspectuo-temporel
” (page 220), “ innoncence ” (page 260, mais R. Confiant croit que c’est
là l’orthographe de ce mot puisqu’il la répète plus
loin page 261 ; peut-être y voit-il par nasalisation progressive
une créolisation du terme ; je suis décidément bien
aimable de lui fournir, par avance, une justification idéologique
à son ignorance de l’orthographe) ; on trouve aussi nombre de fautes
de grammaire grossières comme “ quelle qu’elles soient ”.. Les bizarreries
et les fautes de style sont également nombreuses, dès lors
que l’auteur ne voit pas son texte corrigé par les maisons d’édition
et qu’il ne peut plus donner à ses erreurs ou ignorances le lustre
de la liberté du génie créateur : “ retient de / emprunte
à celle d’écosystème ” (page 19), “ Pour s’en tenir
...il nous paraît ” (page 139), “ faire le Nègre retourner
” (page 162, “ créolisme classique ”) ; “ subir un phénomène
” (page 327), “ n’auront cesse de ” (page 330), etc.
Tout cela ne serait pas trop grave si le lecteur n’était, par
ailleurs agacé, par le style prétentieux de R. Confiant qui
manifeste, par exemple, un amour constant pour l’imparfait du subjonctif,
même si les règles de son emploi ne sont pas tout à
fait maîtrisées. Cette prétention s’accompagne ausis
d’une négligence qui est d’abord une forme de mépris pour
le jury et les lecteurs éventuels.
Il se manifeste surtout par une forme très relâchée
; on ne peut compter les cas où les premiers guillemets sont mis
à l’envers ; l’usage de tirets longs bizarres, placés au-dessous
de la ligne est également constant. On trouve des crochets destinés
à citer des signes phonétiques entre lesquels il n’y a rien
(page 342). Mieux, le même passage d’une dizaine de lignes figure
deux fois dans le texte (pages 150 et 152), sans que ce détail ait
attiré l’attention de quiconque! R. Confiant qui use, selon la tradition,
du “ nous académique ” ne le fait pas de façon constante
(il revient souvent au “ je ”), mais surtout, et c’est bien plus grave,
il n’en connaît pas le maniement orthographique (ce nous académique
n’entraîne pas le pluriel qu’on trouve pourtant souvent comme page
139 et 140 “ nous sommes conscients ”. Il ne s’agit pas d’inadvertances
et on en trouve plusieurs autres exemples.
Cette prétention se manifeste aussi dans un goût pour les
“ gros ” mots dont l’auteur doit penser qu’il donne à son texte
une scientificité qui, de fait, lui manque souvent. Ainsi, page
154, R. Confiant, qui doit souffrir gravement de n’avoir pas fait d’études
classiques et qui mêle un peu le grec et le latin, se met soudain
à parler “ lexies liées au monde l’antiquité grecque,
notamment des noms de divinités”. Or figurent dans le tableau qui
suit Pomone, Vesper, Flore, et Diane qui sont évemment latines et
non grecques! Si on veut faire le savant, il faut au moins vérifier
ce que l’on ignore.
R. Confiant est manifestement saisi par l’amour des langues classiques
qui ne le lui rendent guère. Ne sachant pas que “ di- ” (diglotte)
est un préfixe grec, il forge un “ uniglotte ” (on attendrait logiquement
“ monoglotte ”) ; il va même jusqu’à risquer l’expression
hardie “ langue uniglotte ” (page 140)! Là encore la cuistrerie
se double d’ignorance ; R. Confiant dit “ un aura ” (au masculin!) ; voulant
parler du “ droit du sol ”, il fait le savant en évoquant sans le
savoir le “ droit du soleil ” (il écrit “ jus solis ”, page 29,
alors que “ le droit du sol ” est jus soli). Lui qui se donne pour partisan
de la “ sociogenèse ”, il parle de “ sociétés qui
se sont créées presque in vitro ” (page 50) ce qui est absurde
et montre surtout qu’il ne sait pas ce que veut dire cette expression pourtant
transparente. La référence au titre latin du livre de Pelleprat
De insulis America est sûrement fausse (page 257) car on ne voir
pas ce que cela voudrait dire en latin ; comme il n’y a rien dans la bibliographie
(comme d’habitude), on ne peut identifier l’erreur de façon sûre.
Tout cela est parfaitement inadmissible dans une thèse et on
se demande comment on a pu admettre à soutenance un travail pareil.
Tout cela n’est pourtant rien à côté des éléments
à venir.
Un point essentiel dans un travail académique tient aux références
et à la bibliographie. Pour prendre un point capital, ce travail
est rendu inadmissible par l’absence très fréquente, pour
ne pas dire presque constante, des références des travaux
cités. Cette négligence, inadmissible dans un mémoire
de maîtrise, peut prendre plusieurs formes.
Nombre de travaux cités dans le texte ne figurent pas dans la
bibliographie ; le fait n’est sans doute pas exempt de calculs dans certains
cas que je n’illustrerai que par un exemple. Guy Hazaël-Massieux et
moi-même avons publié dans Etudes créoles en 1987 (vol.
X, n° 1, pp. 35-54) un article sur les fabulistes créoles intitulé
“ Marbot, Sylvain, Young et les autres ” ; j’avais par ailleurs moi-même
publié auparavant, en 1981, un livre où se trouvent réunies
pour la première fois les plus anciennes fables écrites dans
l’Océan Indien (en particulier Chrestien 1820 et Héry 1828)
: Textes créoles anciens (La Réunion et Maurice) ; comparaison
et essai d’analyse, H. Buske, Hambourg. Ces deux textes ne figurent pas
dans la bibliographie alors que la fable est un genre auquel R. Confiant
accorde beaucoup d’attention.
Curieusement, notre article est cité dans le texte (sans référence
de titre et d’éditeur page 465, mais pour un aspect tout à
fait mineur). On voit assez facilement les raisons de tels oublis. Sur
quelques points sur lesquels je ne m’attarderai pas R. Confiant utilise
des textes antérieurs sans les citer, ou, parfois, en oubliant de
faire figurer les références dans la bibliographie. Un tel
comportement est bien entendu inadmissible, mais surtout il témoigne
d’une méconnaissance totale de la pratique et de la déontologie
scientifiques. Quand on fait une thèse, ignorer des travaux antérieurs
dont on retrouve, par hasard, les conclusions, n’est nullement une excuse,
bien au contraire, puisque toute thèse implique, a priori, une connaissance
approfondie, pour ne pas dire exhaustive, du domaine en cause.
Je ne citerai que trois exemples : les deux premiers me concernent directement
; j’ai mis en évidence depuis très longtemps deux points
qu’aborde R. Confiant ; d’une part la périodisation de la durée
de formation des créoles, d’autre part ce que j’ai nommé
le “ décalage tropical ” c’est-à-dire le fait que les littératures
créoles imitent des modèles de la littérature française
quand ils ont déjà cessé d’y tenir le devant de la
scène. Ces deux aspects sont évoqués par R.Confiant
; pour le premier il évoque un texte d’A. Khim (1994), postérieur
de 20 ans aux miens et même postérieur à mon livre
de 1992 où ce problème est largement évoqué
et que R. Confiant fait figurer dans sa bibliographie. Pour le second,
il remplace simplement “ tropical ” par “ termporel ”, sans faire référence
à quoi que ce soit. Bien plus grave est l’absence quasi totale de
référence aux travaux de L.F. Prudent et en particulier à
sa thèse, travail pourtant incontournable dans le domaine traité
et qui ne figure même pas dans la bibliographie (ce qui ne veut pas
dire bien sûr qu’elle n’ait pas été utilisée!).
Pour le problème des références proprement dites,
je prends, un peu au hasard quatre pages au milieu du premier volume (143-146)
; on y trouve sept citations ; or, une seule comporte à la fois
la date et la page du texte cité! C’est inadmissible dans une thèse
et je pourrai citer des dizaines de cas de ce genre.
Les références sont donc incomplètes ou même
absentes dans un grand nombre de cas ; on serait tenté de s’en réjouir
car elles sont très souvent fautives. R. Confiant ignore par exemple
qu’une référence doit toujours être faite en citant
la première édition d’un texte ; quand on fait référence
à une réédition, on doit toujours le préciser.
Faute de quoi, on se trouve en présence d’anachronismes parfois
absurdes. Les erreurs sont multiples sur les dates comme sur les noms.
Citons, sans vouloir être exhaustif, quelques cas parmi les plus
choquants. Pour les dates : page 17, la citation d’A. Khim à laquelle
je faisais ci-dessus référence est ainsi référencée
“ A. Khim (174 : 24) ”. Pour une fois que la référence est
complète, elle est absurde. Les Fables de Marbot, un des auteurs
auxquels Confiant s’attache le plus, sont datées tantôt de
1844 (page 17), tantôt de 1846 (page 465), tantôt même
de 1946 (page 729). Comment un jury peut-il admettre pareil comportement
et si des corrections ont été exigées par le jury,
pourquoi n’ont-elles pas été faites ? Bickerton (page 295)
est daté de 1891! etc.
Les noms des auteurs sont fréquemment estropiés ce qui
montre bien qu’ils ne sont guère familiers à R. Confiant
: DeCamp est écrit Decamp (page 33) ; un seul des deux titres cités
figure dans la bibliographie et en outre, sans la moindre référence!
Marceline Desbordes Valmore, dont on se demande ce qu’elle vient faire
dans cette galère sinon pour fournir une cible facile à R.
Confiant voit son prénom pourvu d’un second l (Marcelline au lieu
de Marceline) ; S. Lafage se voit affublée d’un nom de cimentier
(Lafarge) ; Laubach, dont le nom revient à de multiples reprises
est parfois écrit correctement, mais le plus souvent Lauback ou
même Laubak (pages 353-354 ; ces fautes dans les mêmes pages
soulignent le mépris total de R. Confiant pour son jury comme pour
ses éventuels lecteurs). Les créolophones ne sont pas toujours
mieux lotis ; Emile Celestin Mégie se voit pourvu d’une mystérieuse
initiale de prénom J. tandis que Didier de Robillard est prénommé
Daniel. Paul Wald (page 734) est nommé Walo. Suzanne Sylvain-Comhaire
pose problème à l’auteur, qui ne l’a évidemment jamais
lue, tantôt il la nomme Comhaire comme page 252, tantôt Sylvain
Comhaire ( page 254, en regardant le premier nom comme un prénom
puisqu’il n’y a pas de trait d’union ! ). Comme les ouvrages ne sont pas
dans la bibliographie et que le nom n’est pas dans la liste des auteurs,
il est impossible de s’y retrouver.
Manifestement, R. Confiant n’a pas dû beaucoup lire ni même
feuilleter la plupart des livres qu’il cite. On observe au passage que
les rares auteurs dont la bibliographie est un peu étendue sont
ceux dont il pense qu’ils seront dans son jury de thèse (je reviendrai
sur ce point). Le comble est atteint dans le cas de Guy Hazaël-Massieux
auquel est dédiée la publication et qui page 258 se voit
pourvu d’un second prénom G.H. Hazaël-Massieux (258), avant
que, comble de l’affaire, page 297, son nom devienne une initiale de prénom
G.H. Massieux ! Je ne doute pas un instant que R. Confiant connaisse le
nom et l’orthographe du nom de Guy Hazaël-Massieux. Je ne vois là
qu’une manifestation de sa totale désinvolture dans une procédure
académique dont il est sûr, a priori, qu’elle ne sera pour
lui qu’une formalité.
Certains lecteurs pourront juger qu’il s’agit là de vétilles
; dans un ouvrage de nature différente, on pourrait soutenir ce
point de vue, mais il s’agit là d’une thèse de doctorat qui
peut hélas conduire R. Confiant à diriger, un jour, à
son tour, la préparation de thèses. Comment quelqu’un peut-il
enseigner ce que, de toute évidence, il ne sait pas lui-même
? Un dernier élément sur ces aspects méthodologiques
et déontologiques. La thèse présente un élement
qu’on peut juger positif qui est un index des auteurs cités (alors
que la table des matières n’est même pas paginée!).
J’ai trouvé la chose utile et j’ai fait une première vérification
sur mon nom car j’ai été étonné de voir que,
selon cet index, j’étais cité sept fois dans ce livre. Or
toutes ces références sont FAUSSES et mon nom n’apparaît
à aucune des pages mentionnées. J’ai donc vérifié
pour d’autres auteurs comme L.J. Calvet ou L.F. Prudent. Toutes les références
sont FAUSSES, sauf une pour L.F. Prudent (page 32). J’invite donc les membres
du jury à procéder, a posteriori, à cette petite vérification
qui en dit long sur les méthodes de travail de l’auteur.
Le pire reste à venir puisque je vais aborder maintenant le fond
des choses. R. Confiant prétend lui même à une triple
compétence ; en ethnographie (il se dit ethnographe, page 256 en
particulier), en linguistique (il y a été initié par
G. Mounin, G. Hazaël-Massieux puis J. Bernabé ; cf. pages 37-38)
et
en littérature française puisqu’il y fait de fréquentes
allusions. Voyons quelques illustrations de ces compétences multiples.
Militant culturel et ardent défenseur de la culture et de la
langue antillaise, R. Confiant montre des ignorances confondantes pour
tout ce qui touche l’histoire de la société des Antilles,
alors qu’il se réclame d’une approche “ sociogénétique
”. Je n’en citerai que quelques exemples.
Ainsi, à partir du texte de Pelleprat (page 148), il va affirmer
que ce texte est repris par “ des dizaines d’auteurs d’autres relations
”. Il suit ici, sans le citer bien sûr et surtout sans bien le comprendre,
G. Hazaël-Massieux. Des témoignages comme celui de Mongin,
qui n’est pas dans la bibliographie quoiqu’il soit essentiel, d’abord ne
sont évidemment pas des “ relations ” et ensuite sont des témoignages
authentiques du plus haut intérêt.
R. Confiant ignore les réalités les plus basiques de l’histoire
de son pays. Il ne sait pas ce que ce sont les Compagnies et, à
la période des Compagnies, il parle, pour la période qui
va de “ 1625 à 1680 ”, des “ fonctionnaires royaux ” alors que le
rattachement des Antilles au domaine royal n’a lieu qu’en 1674. Mieux encore,
il ne sait pas même pas ce qu’est un “ habitant ” (il définit
les “ habitants ” comme “ ceux qui s’implanteront durablement ” page 149)
; il ne sait pas davantage ce qu’est un “ engagé ” et page 256 il
parle des “ engagés européens [et de] leurs esclaves africains”!
Comment peut-on prétendre enseigner la langue et culture régionales
à l’Université des Antilles en manifestant de telles ignorances
de l’histoire des Antilles. Il faut bien expliquer un peu les choses pour
ceux qui n’ont pas à rougir de ne pas les connaître. Les “
engagés ” ou “ trente six mois ” (car ils s’engageaient pour trois
ans) étaient de pauvres hères français à l’aide
desquels on a essayé, au début de ces colonies, de les mettre
en valeur. Payés en nature (en “ pétun ”) au terme de leur
contrat, ils étaient dans des conditions si misérables qu’on
en trouva de moins en moins, ce qui amena à mettre en place le système
esclavagiste. Les “ engagés européens ”, dont la condition
était pire que celle des esclaves qui leur succédèrent,
étaient donc bien éloignés de posséder eux-mêmes
des esclaves. R. Confiant, maintenant qu’il est docteur et maître
de conférences, devrait prendre le temps de lire la belle thèse
de J. Petitjean -Roget sur la société d’habitation à
la Martinique (1980) qui figure dans la bibliographie de cette thèse,
mais que R. Confiant, de toute évidence, n’a jamais ouverte.
Les termes les plus courants de l’histoire des Isles sont ignorés
de R. Confiant et il en tire parfois des commentaires absurdes qui vont
dans le sens de son idéologie au mépris des données
les plus courantes de l’histoire. Un exemple page 289 : “ dans les ateliers
de Saint-Domingue où l’on travaillait déjà à
la chaîne ”. Il ignore de toute évidence ce qu’est un “ atelier
” dans la société coloniale ; il le montre de façon
éclatante en introduisant une comparaison avec “ les manufactures
françaises et les filatures anglaises ” (page 289).
On reste confondu devant des ignorances aussi crasses.
Une ou deux perles encore pour finir sur le sujet. Page 61, il fait
un couplet sur la société de plantation qui confirme naturellement
qu’il n’a pas lu J. Petitjean-Roget ; pour faire le savant, comme toujours,
il aligne quelques noms : “ De Gilberto Freyre (1933) [n’est ce pas
plutôt 1943 ; la bibliographie donne la même date, mais de
tout évidence à tort puisque la référence concerne
la traduction] et Roger Bastide (1967) à Edouard Glissant (1981)
en passant par Petitjean Roget (1980) et F. Affergan (1991) [petit mystère
chronologique comment va-t-on de 1933 à 1981 en passant par 1991?],
nombreux sont ceux qui érigèrent la plantation en matrice
de la société antillaise et guyanaise ” (page 61). Comment
peut-on sur un tel sujet omettre les noms de S. Mintz et R. Price (sauf
bien sûr si on ne les connaît pas!). Autre ineptie, plus actuelle,
mais qui souligne une totale ignorance des sociétés en cause
: “ Les pasteurs protestants [sic] [...] ignoraient le français
(langue depuis toujours de la religion catholique en Haïti, leur principale
concurrente sur place à côté du Vaudou) ” (page 295).
Comme si, en Haïti, on ne pouvait être catholique et adepte
du vaudou !
La cerise sur le gâteau se trouve page 67 où le grand
érudit liseur qu’est R. Confiant fait allusion à la “ fameuse
“ Leçon d’écriture ” dans Tropiques (1955) de Claude Levi-Strauss
”. Tristes tout de même!+
Le linguiste ne vaut pas mieux que l’ethnographe, en dépit de
ses prétentions. Je m’en doutais un peu après avoir lu ses
propos sur les créoles (langues ou dialectes). Là encore
je devrais me contenter de quelques exemples. On ne sait par quoi commencer
; le choix est large car la plupart des affirmations de R. Confiant dans
ce domaine sont inexactes, fausses ou absurdes.
Commençons par quelques faits qui concernent les créoles
eux-mêmes. Substratomaniaque (sans être capable de fonder en
quoi que ce soit cette théorie, mais il n’est pas le seul) et basilectophile
(tout en affirmant que le basilecte n’existe plus en Martinique, mais heureusement
Confiant-Zorro est arrivé pour en fabriquer un!), R. Confiant affirme
que les “ “ déformations ” par rapport au créole réel
” (page 217) comme par exemple les voyelles arrondies (u au lieu de i par
exemple) résultent d’un “ mécanisme inconscient de francisation
phonologique de l’énoncé créole ” (ibidem) dans les
textes où il les relève. Si R. Confiant connaissait
les travaux de description dialectologique du réunionnais (Carayol,
Chaudenson, Barat Atlas linguistique et ethnographique de la Réunion),
du rodriguais (Chaudenson, Carayol, Barat, 1992) et de l’haïtien (thèse
de D. Fattier , 2000), il saurait que des telles variantes sont présentes,
à l’oral, dans la bouche de locuteurs créolophones unilingues
qu’on ne peut guère soupçonner de connivences larvées
avec le système des Blancs. Ici comme ailleurs, ces erreurs qu’on
pourrait pardonner à quiconque deviennent insupportables car elles
s’accompagnent d’un aplomb qui frôle la totale inconscience.
R. Confiant se donne comme un spécialiste des questions qui touchent
aux créoles et à l’école. Sur ce terrain aussi on
relève d’autres énormités qui montrent sa totale ignorance
des questions dont il parle. Il évoque en effet (page 302) “ La
généralisation de l’usage du créole à l’école
primaire par le régime Duvalier au début des années
80 ”. C’est totalement faux ; il n’y a eu alors qu’une très modeste
expérimentation qui a très vite tourné court.
Il affirme également : “ Dans les deux pays concernés
[Haïti et les Seychelles] il a été mis un terme brutal
à la créolisation linguistique et même, aux Seychelles,
à un retour [il a été mis un terme au retour ?! Il
veut sans doute dire le contraire!] à la situation antérieure
où prédominaient l’anglais et le français ” (page
302). Outre l’incohérence de style, on relève au moins trois
affirmations fausses en trois lignes:
1. Comme je viens de le dire, il n’y a jamais eu de généralisation
de l’usage du créole dans les premières années du
système haïtien (là encore on voit que Confiant n’a
pas lu le livre que j’ai écrit sur cette question avec P. Vernet,
quoiqu’il le cite dans la bibliographie).
2. L’expérience seychelloise ne s’est nullement arrêtée
brutalement ; commencée dans les années 80, elle se poursuit
encore aujourd’hui.
3. Il n’y a eu aucun “ retour ” à la situation antérieure
qui n’était d’ailleurs pas celle qu’évoque R. Confiant.
Pour ce qui est d’Haïti, son ignorance des réalités
locales est confirmée par ce qu’il dit à propos de l’interccompréhension
entre les créoles d’Haïti et des Petites Antilles. : “ L’intercompréhension
est telle entre les locuteurs de ces pays qu’on peut légitimement
relativiser les différences ”. Une telle affirmation prouve de sa
part une totale méconnaissance des réalités linguistiques
; des locuteurs unilingues des créoles haïtien et martiniquais
ne se comprennent pas ; tous les Petits Antillais honnêtes que j’ai
pu rencontrer en Haïti m’ont toujours dit leur extrême difficulté
à comprendre l’haïtien. R. Confiant fait évidemment
allusion à l’haïtien écrit, car pour ce qui est de l’oral,
je suis prêt à lui organiser, quand il le voudra, un test
pour évaluer sa compréhension de l’haïtien parlé
authentique de locuteurs créolophones unilingues.
L’ignorance voisine parfois avec une naïveté tout aussi
étonnante. R. Confiant se lance dans un développement compliqué
à propos du R antillais, dans sa critique de M. Desbordes-Valmore
qu’il a choisi comme cible. Pour une fois, il doit reconnaître que
la position substratiste n’est pas tenable puisque, quand ils parlent français,
les Africains de l’Ouest n’ont pas du tout l’articulation antillaise de
ce phonème (on aimerait le voir s’expliquer sur ce point d’ailleurs
mais passons...). Il découvre donc, à travers D. Colas-Jolivière
(1976) que “ le créole semble avoir hérité ce trait
des parlers provinciaux français du XVIIe siècle ” (page
223). Stupéfiante révélation, les colons français
du XVIIe siècle parlaient le français du XVIIe siècle!
Merci pour cette révélation Monsieur Confiant!
Sustratomaniaque, il aborde la théorie de la relexification à
travers C. Lefebvre (qu’il ne paraît pas voir lu et dont il ne cite
dans sa bibliographie que l’article de Plurilinguisme de 1994) et A. Khim
(1994; article dans le même numéro). Ce numéro de Plurilinguisme
est de toute évidence le seul ouvrage sur la question dont il ait
eu connaissance ; je ne dis pas qu’il ait lu car s’il l’avait fait, il
aurait lu aussi les critiques de ce point de vue qui y sont faites par
S. Mufwene et moi-même (il cite pourtant mon article dans sa bibliographie
mais on a vu que souvent des références, purement décoratives,
n’ont guère de sens). Tout cela nous est présenté
comme des vérités révélées alors que
ces théories n’ont pas reçu le moindre commencement de preuve
socio-historique (Que faisaient les esclaves de langue non fongbe pendant
ceux qui parlaient cette langue relexifiaient le français?) ou linguistique
(cf. R. Chaudenson “ Démystification de la relexification ” article
pour lequel j’attends toujours des éléments de réponses
de la part de C. Lefebvre et de ses épigones qui, semble-t-il, se
font de plus en plus rares et discrets), alors qu’au contraire R. Confiant
perçoit un “ vif renouveau des partisans [sic] du substrat africain
” dans les années 80. Confirmant mon sentiment sur sa connaissance
des travaux de C. Lefebevre, il cite à l’appui de cette assertion,
le texte de 1994 que j’ai déjà évoqué. C’est
dire la connaissance approfondie qu’il a de ce point de vue.
L’historique que R. Confiant fait des études linguistiques sur
les créoles mériterait d’être étudié
dans son détail. Il reprend, page 252, la classification de L.F.
Prudent (naturellement sans le citer, comme toujours), mais y ajoute, selon
son habitude, quelques erreurs ou sottises (Bickerton avec une référence
de 1891!). Il date ainsi les théories eurogénétiques
du XVIIIe siècle (on aimerait connaître les références
car il y a là un scoop!) En fait on constate ensuite que R. Confiant
regarde comme des théories linguistiques les observations naïves
de prêtres ou des voyageurs. Comme ailleurs, Confiant aime à
se donner des adversaires à sa taille qu’il peut aisémenrt
pourfendre. La deuxième moitié du XIXe siècle et la
première moitié du XX e sont marquées, dit-il, par
la “ “ découverte ” d’un “ sabir afro-portugais ” qui aurait
été parlé par les Africains parqués dans les
comptoirrs de la côte ouest-africaine ” (page 254) ; l’abondance
des guillemets semble traduire une forme d’incertitude dont R. Confiant
témoigne rarement. On aimerait toutefois être éclairé
sur cet événement capital pour la créolistique. Qui
à découvert ce sabir ? Où ? Comment ?
“ Dans les années 50-70, essentiellement dues à des chercheurs
non natifs - dont le plus connu est D. Bickerton et sa théorie du
bioprogramme linhuistique [sic], les positions neurogénétiques
semblèrent s’imposer un temps ” (page 255). Difficile de dire plus
de choses fausses ou ineptes en si peu de mots. “ Dans les années
50-70 ”, on a peine à trouver un nom d’auteur de ce type de théorie
et Roots of language que Confiant date, comme on l’a vu plus haut de 1891
(page 252), est de 1981, ce qui rend un peu difficile de le situer dans
les années 50-70! Par ailleurs ce point de vue est bien loin de
s’imposer, mais suscite plutôt des controverses.
La “ sociogenèse ” qui semble s’imposer désormais aux
yeux de R. Confiant n’est pas définie et cette approche a été
proposée depuis longtemps par M. Alleyne ou moi-même. La version
qu’en donne R. Confiant est d’ailleurs d’autant plus pittoresque qu’elle
comprend des anachronismes invraisemblables que j’ai déjà
soulignés (“ les engagés et leurs esclaves ” page 256 !).
Pour ce qui est de la connaissance de la linguistique française,
nous verrons les choses dans la partie suivante qui touche à la
connaissance qu’à de l’histoire de la langue et de la littérature
françaises le maître de conférences de l’Université
des Antilles.
Selon les principes de la rhétorique classique, je place ce point
en dernier dans les trois que j’ai annoncés car on ne doit pas perdre
de vue que R. Confiant, si étonnant que cela puisse paraître
à la lecture de ce qui précède, enseigne à
l’université, dirige des travaux de recherche (en deçà
du DEA peut-on espérer) et prétend préparer les étudiants
au CAPES. Or, jusqu’à preuve du contraire, les étudiants
qui se présenteront au CAPES de créole (sans s), devront
passer par ailleurs des épreuves d’un autre CAPES, qui sera souvent,
dans leur cas, celui de lettres modernes. La connaissance que peut avoir
de l’histoire de la langue et de la littérature françaises
est donc un élément essentiel. J’ajouterai que c’est lui-même
qui se risque souvent sur ce terrain où nul ne l’oblige à
s’avancer. On va voir que l’y suivre vaut assurément le détour.
Commençons par l’histoire de la langue française. On a
déjà pu mesurer, dans l’affaire du CAPES, l’étendue
des ingorances de R. Confiant dans le domaine de la créolistique.
On sait qu’à ses yeux (mais il a sur ce point retourné sa
veste avant quelques jours plus tard de la remettre, si l’on peut dire
à l’endroit ; cf. sur ce point Etudes créoles, 2001, n°
1), il y a un *CREOLE (situé on ne sait trop où et on ne
sait trop quand) dont les créoles français, ceux des DOM
mais les autres aussi (car on voit mal pourquoi leur situation serait différente)
sont les dialectes. On comprend mieux ces aberrations quand on a lu la
thèse de R. Confiant. On y apprend en effet (autre scoop) que le
normand et le picard sont des dialectes du FRANÇAIS “ jusqu’au XIXe
siècle ” (page 300). Apparemment à cette date, ils perdent
cette qualité ! Comprenne qui pourra ; je laisse P. Brasseur et
J.M. Eloy (spécialistes éminents de ces dialectes d’oïl)
juger de la pertinence linguistique de tels propos auxquels R. Confiant
est si attaché qu’il n’hésite pas à les répéter
(“ les dialectes du français comme le Normand et le Poitevin ” page
315).
La vision que R. Confiant a de l’histoire de la langue française
est des plus pittoresques.
La pensée , comme on va le voir n’est pas très claire
:
“ Il convient, s’agissant de la question de la norme, de faire ici
une distinction entre les langues orales ataviques et les langues orales
non ataviques. Jusqu’au XVIIIe siècle en France, on pouvait en [de
quoi?] distinguer au moins trois, si l’on se réfère à
l’enquête de l’Abbé Grégoire menée pendant la
Révolution française :
- celle des paysans (la majorité de la population) qui transparaît
[sic] dans certaines comédies de Molière par exemple.
-celle des citadins du peuple (les gens des Halles dont parle Vaugelas
[qui recommande “ la façon de parler de la plus saine partie de
la cour ”]).
-celle de la Cour (une toute petite minorité).
Toutes les tentatives de normalisation depuis Malherbe ont consisté
à privilégier cette dernière au détriment des
deux autres, ce que la Révolution française n’a pas réussi
à changer quand on examine les discours de Robespierre ou Danton
[sic ; la syntaxe est hardie !]. Paradoxalement la fin de la Royauté
consacre la souveraineté définitive du beau langage, lequel
sera pris en charge par la nouvelle classe dominante la bourgeoisie; ”
(pages 302-303).
Il assez malaisé de comprendre ce que veut dire R. Confiant,
en particulier avec ses langues “ataviques ” (mais il n’est pas sûr
qu’il connaisse le sens de ce terme). S’attendait-il, comme on peut le
penser à le lire, à ce que Robespierre ou Danton parlassent
(pour en user comme R. Confiant dans ses bons jours) comme les paysans
des Agréables conférences ou les poissonnières de
la Place Maubert ? Un élève de quatrième a une vue
plus précise de l’histoire de la France! La Révolution est
plutôt la consécration de la montée en puissance de
la bourgeoisie que le début de son règne comme le croit R.
Confiant. Ce qui est sûr, c’est que pour l’Abbé Grégoire,
toute sa science, il l’avoue un peu plus loin (page 316) lui vient de la
lecture d’un passage de L.J. Calvet (1974) ; par ailleurs, on constate
à nouveau (page 315) qu’il ne fait pas de différences entre
les variétés régionales du français et les
dialectes d’oïl!
C’est toutefois les vues de R. Confiant sur l’histoire de la littérature
française qui sont les plus stupéfiantes, car elles découvrent
des gouffres d’ignorance qu’on ne peut même imaginer. Quelques exemples,
d’autant plus significatifs qu’il s’agit là de terrains sur lesquels
l’auteur s’aventure de sa propre initiative.
Prenons, pour simplifier les choses dans l’ordre chronologique, encore
que, comme on va le voir, une telle approche ne soit pas très familière
à notre auteur.
On a vu, dans le compte rendu que j’ai fait de deux Guides du CAPES
produits par R. Confiant que ce dernier situe la Défense et Illustration
de la langue française de Du Bellay (1549) après la création
de l’Académie Française (1635). Il ne peut plaider l’inadvertance
(toujours possible et pardonnable), puisqu’on lit un peu plus loin : “
Ce n’est que lorsque l’Académie française, la Pléiade
[sic], Malherbe et Vaugelas eurent fixé les règles du français
littéraire ” (page 6 dans mon tirage). Il situe donc bien la Pléiade
au XVIIe siècle!
Un passage particulièrement savoureux, que j’ai évoqué
ci-dessus sous un autre angle, se trouve aux pages 153 et suivantes. Il
y traite d’un certain Léonard, “ poète béké
guadeloupéen ”, qui demande à Pomone “ déesse de l’Antiquité
grecque ” de le ramener au Guadeloupe. Pomone est non pas grecque, mais
latine ; notre auteur est si certain de sa science qu’il ne prend même
pas la peine d’ouvrir le Petit Larousse (avec un seul r là où
Confiant en met deux!). Il mêle allègrement et avec une grande
constance dans l’erreur les figures grecques et latines, mais se livre
surtout à d’étranges analyse, après avoir constaté
chez cet auteur “ une bonne culture classique ” (page 154, ce qui n’est
pas assurément le cas de R.Confiant lui-même!). Je passe sur
le détail d’analyses aussi branlantes qu’insipides. L’important
est qu’il trouve dans tout ce fatras mythologique “ un ensemble de lexies
propres à la poésie parnassienne ” (page 151). Comme toujours,
il n’y a ni référence ni date, mais comme Léonard
est mort en 1793, nous sommes assurément en XVIIIe siècle.
Situer le Parnasse (qu’on peut placer, grosso modo, au début de
la seconde moitié du XIXe siècle) en plein XVIIIe siècle
est un apport de R. Confiant à l’histoire littéraire française
qu’on se doit de souligner!
Mieux encore, mais on se sait pas si Confiant ignore le sens des mots
dont il use, il range “ Léonard parmi les épigones [souligné
par moi] provinciaux (ici coloniaux) des grands poètes parnassiens
[souligné par moi] ” (page 155). On est là en plein délire!
En fait, Confiant, qui manifestement ignore tout de la littérature
française, du Parnasse comme du reste, ne reconnaît pas dans
l’écriture de Léonard le “ style noble ” le plus caractéristique
de la poésie du XVIIIe siècle.
Quelques autres âneries ou erreurs, grossières mais significatives,
un peu au hasard. R. Confiant évoque un roman de Victor Hugo qui
“ évoque la révolution haïtienne ” (page 214) ; le problème
est qu’il le baptise Burg-Jargal au lieu de Bug-Jargal, ce qui montre bien
qu’il ne l’a pas lu. Ce n’est pas une inadvertance puisqu’il répète
son erreur 20 pages plus loin (Burg Jargal page 232). Il doit confondre
avec les Burgraves dont il a dû entendre parler!
Les vues de R. Confiant sur la critique littéraire sont tout
aussi approximatives (mais encore une fois “ Que diable va-t-il faire dans
cette galère,? ”). Ainsi, page 21, affirme-t-il que dans les années
60-70 “ l’importation sauvage des concepts de la linguistique dans le champ
de l’analyse littéraire [...] a abouti à occulter voire à
nier toute pertinence de la psychogenèse et de la sociogenèse
des textes littéraires ”. Ce constat tient seulement, une fois de
plus, à son ignorance et sans doute n’a-t-il jamais entendu parler
de Ch. Mauron ou de L. Goldman.
On va sans doute me reprocher de ne pas en venir plus vite aux thèses
soutenues par R. Confiant. Le problème est qu’il n’y en a guère
; en fait son travail est pour la partie qu’on pourrait nommer, un peu
pompeusement théorique, une paraphrase des idées de J. Bernabé
et, à un moindre degré, d’E. Glissant (plus de 100 références
à ces deux auteurs dans le pseudo-index dont j’ai parlé plus
haut). Pour le reste, on trouve soit des sortes d’explications de textes,
souvent insipides et laborieuses (avec des considérations infinies
sur des problèmes de graphie cent fois posés), parfois aberrantes
(j’ai cité plus haut celle de quelques vers de Léonard et
on en a vu le niveau!). Le second volume est à cet égard
particulièrement pénible : citons à titre d’exemple
le début du commentaire sur “ le style de Marbot ” (page 469 et
suivantes) :
“ Lorsqu’on compare la fable Le loup et le chien, [souligné
donc en italiques car R. Confiant ignore l’usage académique des
guillemets et de l’italique comme on l’a déjà vu] de Marbot
à celle de La Fontaine au niveau du décompte des vers, on
note d’emblée que les deux fables en ont exactement le même
nombre : 41 ”. Passionnant! Ça commence bien! On compare ensuite
le nombre des mots par vers pour conclure à propos de Marbot : “
Il n’y a aucune raison particulière qui puisse expliquer une disposition
typographique aussi étrange ” (p. 471). On ne compte pas moins d’une
huitaine de pages de la même farine (ejusdem farinae pour être
agréable à R. Confiant!).
Venons en à trois points qui sont essentiels dans le propos et
le contexte : la question de la graphie des créoles de la zone américano-caraïbe
; le domaine de la fable (choisi pour le CAPES de créole ; l’origine
et le sens du mot créole.
L’invention de la graphie GEREC et sa diffusion.
Sur la question de la graphie, on peut résumer ainsi la position
de R. Confiant qui revient à de nombreuses reprises sur cette question.
La graphie dite GEREC a été créée (page 295)
par J. Bernabé (1978) ; elle s’est “ généralisée
” (page 298) et a connu un grand succès aux Petites Antilles tant
auprès des scripteurs populaires (page 23) que des écrivains
; elle s’est ainsi répandue dans le monde, en particulier en Haïti
et aux Seychelles.
J’ai déjà évoquée cette question (Etudes
créoles, 2001, n° 1) pour dire qu’il y avait là une série
d’ignorances, de demi vérités et de mensonges. Comme toujours
R. Confiant cherche à anesthésier son lecteur par sa faconde
et une érudition dont nous avons vu ce qu’elle vaut. Il situe la
mise au point de la graphie GEREC en 1978 ce qui montre, en passant, qu’il
ne connaît même pas les travaux de J. Bernabé puisque
la première référence de cet auteur date non de 1978
mais de 1976 “ Propositions pour un code graphique intégré
des créoles à base lexicale française ” in Espace
créole, n° 1, pp. 25-56. Il suffit de consulter la bibliographie
de la thèse de J. Bernabé pour le savoir.
Trois remarques sur ce point en laissant au lecteur le soin de conclure.
1. Dans sa thèse (1983), J. Bernabé lui-même écrit
(en note page 300) : “ Le système de la Guadeloupéenne Dany
Bebel-Gisler (1975) est une reconduction pure et simple du système
proposé par Dejean (1974) qui ne tient aucun compte de la spécificité
martiniquaise - et d’une partie de la Guadeloupe -s’agissant des palatales
occlusives ” (la différence est mineure, on en conviendra).
2. En 1976 (donc élaboré à partir d’enquêtes
et dans un code graphique mis au point puis testé pendant 6 mois
aux Côtes de Fer) paraît le Ti Diksyonè kreyol-franse
(Editions Caraïbes) publié sous la direction d’A. Bentolila.
3. L’équipe de Paris V et P. Vernet ont joué un rôle
essentiel dans la mise au point du système haïtien qui ne présente
que des différences mineures avec le système GEREC. Il suffit
de comparer les dates pour voir que le GEREC ne peut nullement se donner
comme “l’inventeur ” de ce système.
Pour ce qui est de la “ généralisation ” du système,
R. Confiant lui même dit tantôt blanc, tantôt noir. Pour
plus de détails, on peut se reporter à l’étude de
L.F. Prudent (1989).
Pour l’expansion du système, les faits sont vite établis
; on a vu que la système GEREC est plus inspiré du code graphique
haïtien que l’inverse. Quant au seychellois, l’idée est absurde
; le code graphique seychellois a été mis au point par A.
Bollée et D. de Saint-Jorre. Des adaptations ultérieures,
pour la plupart absurdes, y ont été apportées par
un coopérant français qui avait séjourné en
Haïti ; l’influence, d’ailleurs regrettable, a été haïtienne
et non martiniquaise.
La fable.
Ce sujet tient une place relativement importante dans la thèse
de R. Confiant puisque c’est le premier genre littéraire pratiqué,
en commun, dans la plupart des aires créolophones.
Comme toujours, les vues de R. Confiant sur l’histoire littéraire
sont ahurissantes. On y apprend ainsi qu’à “ partir du XVIIIe siècle
[en France] la fable est désormais un genre littéraire écrit
” (page 267). Comme Confiant vient de nous informer, deux lignes avant,
avec tout autant d’originalité, qu’elle “ a cessé dès
la fin du Moyen Age d’être un genre oral ” (ibidem), on incline à
croire que pour notre auteur, le Moyen Age s’achève à la
fin du XVIIe siècle. Passons.
Selon Confiant (car il s’agit pour lui d’expliquer le choix de ce genre)
“ la fable, même écrite, demeure l’un des genres les plus
proches de l’oralité ”..(page 268). Ce propos, qu’on pourrait juger
pertinent dans son principe, l’est peu dans le cas du modèle choisi.
Les Fables de La Fontaine, en dépit de leur apparente simplicité,
sont parmi les textes les plus “ écrits ” qui soient, mais ce n’est
pas le lieu de faire à R. Confiant un cours sur La Fontaine. Ce
qui est curieux c’est que faute de connaître à la fois l’histoire
littéraire française et les sociétés créoles
anciennes, R. Confiant se livre à des contorsions explicatives qui
n’éclairent guère que sur lui même. Deux choses très
simples :
La première est que dans les sociétés créoles
du XIXe siècle, la vie culturelle s’organise autour des seules références
métropolitaines, qu’il s’agisse de littérature, de théâtre
ou de musique. Si l’on prend, dans l’Océan Indien, un des plus anciens
textes littéraires en créole mauricien (pour ne pas dire
le plus ancien car une découverte est toujours possible), “ l’amant
malheureux ” de F. Chrestien (1820) est une chanson dont le titre est suivi
de la mention “ Air ; du bastring ” ; une autre chanson du même recueil
“ L’ivrogne ” est composée sur l’air de “ Plus on est de fous...
”. Durant tout le siècle, on crée des paroles sur des airs
connus et à la mode, de chansons ou d’opérettes ; cette habitude
demeure presque jusqu’au milieu du XXe siècle et, à la Réunion,
Georges Fourcade, lui-même auteur de fables créoles, dans
les années 30, écrit encore certains de ses textes “ sur
l’air de..; ”. Le choix des Fables de La Fontaine comme modèle s’explique
tout bêtement par leur usage scolaire et le fait que tout le monde
les connaît. De même que les airs qu’on choisit pour faire
des chansons sont toujours les mélodies à la mode (“ Partant
pour la Syrie... ”), de même une parodie créole d’un texte
français suppose un texte de référence ou un modèle
connu de tous. Il en sera de même pour les parodies en patatouète
ou en argot qui choisiront volontiers aussi comme référence
La Fontaine . “ Un pignouf de corbak sur un arbre planqué / S’envoyait
par la fraise un coulant baranqué... ”.
R. Confiant, “ dan son san konnen ” comme on dirait en seychellois,
s’interroge sur le sens du titre donné à ses Fables par Marbot
“ Fables de la Fontaine travesties [souligné par moi] en patois
créole ” ; “ “travesties ” au lieu de “ traduites ” commente-t-il
sottement (page 334). Le commentaire que fait Confiant de “ travesties
” mériterait, si j’en avais le temps, un commentaire détaillé
car il y accumule les incompréhensions. Par l’usage de ce terme,
Marbot, qui n’est pas inculte, lui, s’inscrit dans la tradition du “ travestissement
” qui est une des formes du burlesque. Scarron dans le Virgile travesti
“ travestit ” les sept premiers chant de l’Enéide et Furetière
écrit aussi une version “ travestie ” du quatrième chant
de ce même poème. Ici, le travestissement est de nature un
peu différente : on ne change pas un texte poétique en réalité
bourgeoise ou populaire, mais on travestit un modèle littéraire
et/ou scolaire dans une langue ou un registre jugés inférieurs.
On a sans doute soufflé à Confiant les deux lignes de la
page 335 où il évoque la “ tradition du “ travestissement
”, du “ bouffon ” tel que le pratiquait un Scarron par exemple [l’usage
de ce dernier terme est délicieux:] (page 335). La fin du texte
montre d’ailleurs (page 336) que R. Confiant est incapable de tirer les
conséquences de cette remarque. On ne peut donc que se réjouir
que, dans la série des Guides, la rédaction de l’ouvrage
sur la fable créole ait été confiée à
J. Bernabé.
Le terme “ créole ” : étymologie et histoire.
Ce point est le plus important peut-être car il illustre parfaitement
à la fois la psychologie et les méthodes de R. Confiant.
A la lecture de ses écrits on voit clairement que R. Confiant
a été traumatisé par un épisode survenu il
y a quelques années. Une publication locale a en effet reproduit
côte à côte un portrait de Joséphine de Beauharnais,
“ la belle Créole ” (comme il le rappelle lui-même, page 24)
et une photo de R. Confiant, malicieusement intitulée, “ le beau
Créole ”.. Toute la Martinique en a ri, sauf R. Confiant naturellement,
car dans la nomenclature locale (qu’elle soit fondée ou non; nous
allons y venir), R. Confiant n’est pas, de toute évidence, un créole
au sens martiniquais traditionnel du terme.
Venons en à ce terme. Quoique R. Confiant cite, dans sa bibliographie,
mon livre de 1992 sur la créolisation linguistique et culturelle,
il est clair qu’il ne l’a pas lu. Il pourrait certes être en désaccord
sur mes points de vue, mais il est impossible d’en refuser les ÉLÉMENTS
OBJECTIFS abondants sur l’histoire et le sens du mot “ créole ”.
Là encore, on ne peut réfuter tous les passages où
il revient sur ce thème, chez lui obsessionnel pour des raisons
qui tiennent sans doute à son histoire personnelle.
Prenons donc le point de départ :
“ Par quel tour de passe-passe sémantique le qualificatif anthropologique
de “ créole ” en est-il venu à désigner les seuls
“ Békés ” alors que très tôt - c’est-à-dire
dès son apparition en espagnol à la fin du 15e siècle
- sous la forme “ criollo ” laquelle a ensuite été francisée
- il a signifié “ Né et élevé aux Amérique
” sans caractérisation raciale particulière. Que ce soit
chez le Père Labat en 1694 ‘“ Le nègre qu’on m’avoit donné
étoit créole ” Nouveau Voyage aux Isles de l’Amérique
p 81) , chez Victor Schoelcher en 1878 [... je saute des références
inutiles ici puisque nous débattons de l’origine et du sens initial
du mot qui, ensuite, selon les lieux a pris des sens divers ; cf. R. Chaudenson,
1973, 1974, 1992; 2001)] ce terme a pourtant été constamment
utilisé dans son acception originelle. ” (pages 24-25).
Le plus simple est de suivre le texte pas à pas pour y examiner
successivement les ignorances et/ou les mensonges de R. Confiant. Ils portent
sur un point capital de son travail, comme il le souligne lui même
en citant J. Bernabé : “ C’est donc au coeur même de l’étymologie
du mot créole que semble prendre source le paradoxe ” (Bernabé,
1995 : 25 cité in Confiant, page 29).
Si ce point est si important, il mérite d’être examiné
de près.
Sur l’histoire même du mot “ créole ”, il y a depuis
1963, une référence incontournable que naturellement R. Confiant
ignore. Il s’agit de l’étude qu’en a fait R. Arveiller dans sa Contribution
à l’étude des termes de voyage en français (1505-1722),
Paris, D’Artrey, pp. 204-208. Je la cite bien entendu dans mon livre que
Confiant est censé avoir lu.
Selon R. Arveiller à qui on peut faire une confiance aveugle
en raison du soin extrême de ses travaux et son érudition
immense, la prremière attestation, en espagnol semble-t-il, ne remonte
nullement à la fin du XVe siècle, mais plutôt au deuxième
quart du XVIIe siècle. Ce point est mineur ; il vise juste à
montrer que R. Confiant dit n’importe quoi avec assurance, mais, comme
toujours sans la moindre référence (Rappelons que nous somme
en présence d’une thèse et non d’un article de Grif an Tè).
La première attestation en français (emprunt à l’espagnol
sous la forme “ crollo ”) est donc de 1598 selon R. Arveiller qui suit
sur ce point Dauzat (1983 : 204).
Le gros mensonge est le suivant : le mot signifierait, en espagnol,
“ “ Né et élevé aux Amérique ” sans caractérisation
raciale particulière. [souligné par moi] ” (page 25). Or,TOUTES
LES ATTESTATIONS anciennes du mot indique que ce mot s’applique à
des Blancs nés aux Indes (entendre par là en Amérique
ou aux Isles). Il suffit d’ailleurs de citer la jolie définition
latine donnée dans un Dictionnaire espagnol ancien : “ Indus patria,
Hispanus genere ”. Traduisons le latin pour R. Confiant : “ Indien par
la patrie [le lieu de naissance], Espagnol par la race ”. R. Arveiller
(1963) puis moi-même (1992) avons souligné ce point
par des attestations innombrables et je juge inutile d’y insister. La falsification
est patente car sauf à n’avoir jamais lu une ligne sur ces questions,
R. Confiant ne peut pas ne pas le savoir. Ce sens sera repris d’ailleurs
par les premiers dictionnaires français. Je laisse ici de côté
les évolutions du mot que j’ai longuement étudiées
dans les divers contextes (Cf. R. Chaudenson, 1992, 2001).
Poursuivons la lecture du texte de Confiant. Comme toujours la référence
de Labat (dans le texte comme dans la bibliographie) est fausse ; ce n’est
pas 1694 mais 1722. Cette falsification n’est pas innocente me semble-t-il,
car elle contribue à rapprocher la citation de plus d’un quart de
siècle du peuplement de l’île. J’ai moi-même expliqué
depuis longtemps comment dans le terme “ créole ” l’élément
sémantique d’“indigénéité ” a conduit à
étendre son usage à des non-Blancs puisque le petit nombre
de femmes européennes faisait que la plupart des enfants ne pouvaient
être “ de pure race blanche ”. La citation de Labat, quand
on lui donne sa vraie date (1722) n’ a donc rien de remarquable et il en
est d’antérieures.
L’acception “ originelle ” que propose R. Confiant est donc TOTALEMENT
fausse. Tout cela, répétons le une dernière fois,
figure dans une thèse qui a valu à son auteur le titre de
docteur et lui a permis de devenir enseignant d’université. Tout
cela est extrêmement grave et il m’a paru nécessaire de me
livrer à ce travail, même si, selon moi, un tel ouvrage ne
mérite nullement la peine et le temps que j’ai consacrés
à sa lecture.
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