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 Collection "Langues et développement"
Dirigée par R. Chaudenson


  Initialement éditée par Didier Erudition, éditeur racheté ensuite par Klinckieck qui a lui-même disparu, cette collection est actuellement disponible aux éditions de l'Harmattan, qui publie les nouvelles parutions (depuis 2001) et diffuse les volumes antérieurs, quand ils sont encore disponibles.
 

Chaudenson R., De Robillard D. Langue, économie et développement, ; approches théoriques, 1989, 257 pages

Jouannet F., Nkusi L., Rambelo M., Robillard D. de, Tirvassen R Langue, économie et développement : Rwanda, Madagascar et Ile Maurice, 1990, 264 pages 

De Robillard D. Aménagement linguistique et développement dans l'espace francophone : bibliographie sélective, 1989, 217 pages

Hazaël-Massieux M.C. Bibliographie des études créoles. Langues, cultures et sociétés , 1990, 254 pages

Kazadi Ntole, L'Afrique afrofrancophone, 1991, 184 pages

Chaudenson R. (et al.), La francophonie : représentations, réalités et perspectives, 1991, 220 pages

Calvet L.J. (et al.), Les langues des marchés en Afrique, 1992, 359 pages

Baggioni D., Calvet L.J., Chaudenson R., Manessy G; , Robillard D. de,  Multilinguisme et développement, 1992, 240 pages 

Dombrowsky C., Dumestre G., Simonis F. L'alphabétisation fonctionnelle en bambara dans une dynamique de développement: le cas de la zone cotonnière (Mali-Sud), 1993, 214 pages

Ans A.M. d', Chaudenson R., Jaffré Y. et al. Langues et métiers modernes ou modernisés, 1992, 214 pages

Des villes et des langues, Actes du Colloque de Dakar (1990), 1992, 560 pages

L'école du Sud, Actes du Colloque de La Baume-lès-Aix tenu en juin 1991, 1993, 160 pages

F. Lumwamu, M. Missakiri, C. Ntsadi, R. Tirvassen : Les enfants, les langues, l'école : les cas du Cong et de Maurice :1993, 152 pages 

N. Gueunier, Le français du Liban : cent portraits linguistiques, 1993, 150 p.

R. Chaudenson, R. Mougeon, E. Beniak, Pour une étude panlectale de la variation en français, 1993, 144 p.

Sesep N'tsial, La francophonie au coeur de l'Afrique : le français zaïrois, 1993, 212 p.

R. Chaudenson et M. Slodzian (éds.), Comprendre pour communiquer et soigner : langues, informatique et santé oculaire en Afrique, 1994, 160 p.

R. Tirvassen, Communication et développement : le cas de Maurice, 1994, 114 p.

G. Dumestre (éd.), Stratégies communicatives au Mali : langues régionales, bambara, français , 1994, 362 p.

A.M. D’Ans (éd.) Langage et politique. Les mots de la démocratie dans les pays du Sud de l’espace francophone, 1995, 329 pages

R. Chaudenson (et al.) Vers un outil d’évaluation des compétences linguistiques en français dans l’espace francophone, 1995, 196 pages.

C. Canut , Dynamiques linguistiques au Mali, 1996, 302 pages.

R. Chaudenson (et al.) Test d’évaluation des compétences linguistiques en français, 1996, 206 pages.

R. Chaudenson (et al.) Test d’évaluation des compétences linguistiques en français. Le test d’Abidjan, 1997, 206 pages 

R. Chaudenson, Le test d’Abidjan, 1997, 80 pages

L.J. Calvet et R. Chaudenson, Saint-Barthélemy : une énigme linguistique, 1998, 206 pages.

V. Spaeth, Généalogie du français langue étrangère : le cas de l’Afrique, 1998, 210 pages.

R. Chaudenson et R. Renard (éd.), Langues et développement, 1999, 214 pages

T. Trefault, L’école malienne à l’heure du bilinguisme. Deux écoles rurales de la région de Ségou, 1999, 384 pages.

L.J. Calvet et A. Moussirou-Mouyama, Le plurilinguisme urbain, 2000, 288 pages.

R. Chaudenson, Mondialisation : la langue française a-t-elle encore un avenir ? 2000, 240 pages.

R. Chaudenson (éd.), L'Europe parlera-t-elle anglais demain? 2001, 180 pages.

R. Chaudenson et L.J. Calvet (éd.), Les langues dans l'espace francophone : de la coexistence au partenariat, 2001, 192 pages.

R. Tirvassen, (éd.), Ecole et plurilinguisme dans le Sud-Ouest de l'océan Indien, 2002,209 pages. 

A. Carpooran, Ile Maurice : des langues et des lois, 2002, 280 pages. 

I. Ndaywel E Nziem (éd.) , Les langues africaines et créoles face à leur avenir, 2003, 192 pages.

R. Chaudenson, La créolisation : théorie, applications, implications, 2003, 480 pages.

 


 
 
Thèses dirigées par R. Chaudenson (la date est celle de la soutenance)


Thèses dirigées et soutenues

Rambelo Michel "Contribution à l'étude de la situation linguistique de Madagascar ; les rapports entre français, malgache officiel et malgache dialectal en situation de diglossie", 1982

Allman Suzanne, "Etude du lexique de la fécondité et de la maternité en créole haïtien ", 1983

Mathieu Martine, "Le discours créole dans le roman réunionnais d'expression française", 1984

Ancelet Barry Jean, "La truie dans la berouette : essai sur la littérature orale acadienne de Louisiane", 1984

Cellier Pierre, "Description syntaxique du créole réunionnais. Essai de standardisation" (thèse d'Etat), 1985

Beniamino Michel, "L'imaginaire réunionnais". Thèse de nouveau régime, 1985 

Ramharai Vicram, "La littérature maurcienne contemporaine d'expression créole. Une approche socioculturelle.", 1986

Tirvassen Rada, "Les particularités lexicales du français mauricien", 1986

Jean-Louis Marie-Paule, "La tradition orale guyanaise. Universalité et spécificité du conte créole", 1987

Boyer Céline, "L'école maternelle et l'enfant réunionnais d'âge pré-scolaire", 1988

De Robillard Didier, "L'aménagement lingusitique. Problématiques et perspectives", 1989

Sheik Amode Hossen Jacques, "La production ethnocentriste des identités culturelles à l'Ile Maurice", 1989

Nicole Rose May "Créoles, Mulâtres, Métis : l'image du non-Blanc dans l'imprimé réunionnais", 1992

Marie-Christine Hazaël-Massieux : "Le créole de la Guadeloupe : de l'oralité à l'écriture" (thèse d'Etat), 1994

Emmanuelle André : “ Une expérience d’enseignement bilingue sarde -italien en Sardaigne ” 1997

Françoise Fontan : “ La diffusion du français en Afrique noire ” 1997

Rada Tirvassen : “ Langues, enseignement et développement à l’Ile Maurice ”, 1998

Manuel Monteiro da Veiga : “ Le créole du Cap-Vert : étude descriptive ”, 1998

Dominique Fattier : “ Etude de la variation en créole haïtien ” 1998 (Thèse d’Etat) 

Cecile Van den Avenne “ Langues, discours, identités. Maliens de langue bambara à Marseille ”.1999

Arnaud Carpooran , “ Langue(s) et droits(s) à Maurice ”, 2000

Leila Caïd “ Comparaison des systèmes verbaux en créole réunionnais et mauricien ”.. 2000

Catherine Howe “ Temps, modalité et aspect : comparaison de l’haïtien et du papiamento ", 2000.

Béatrice Boutin, "Le français d'Abidjan : étude sociolinguistique et linguistique" (co-direction avec Mireille Piot) 

Sabine Kube, "Le français parlé à Abidjan", 2004 (co-tutelle avec Klaus Bochman, Université de Leipzig).

 


 
 
LES CREOLES A L'EPREUVE DU CAPES.

Par Robert Chaudenson


Article du quotidien Libération (jeudi 9 novembre 2000 dans la Rubrique "Rebonds") qui, Dieu seul sait pourquoi, a déclenché la guerre du CAPES CRÉOLE(S). Précisons que, comme toujours, les titres sont de la rédaction du journal (ils sont ci-dessous en caractères gras). 
 

Ce n'est pas la création par Jack Lang d'un Capes de créole en 2002 qui résoudra les problèmes de son enseignement dans les DOM. 

La polémique sur les créoles dans les DOM est relancée. L'annonce par Jack Lang de la création, en 2002, d'un "Capes de créole" est probablement la réponse à des revendications formulées depuis quelques années, particulièrement aux Antilles. Il n'est pas sûr que cette mesure soit la bonne réponse aux problèmes de l'enseignement dans les DOM, comme le montre d'ailleurs l'accueil quelque peu réservé fait à la déclaration ministérielle par le responsable du Snes en Martinique. 

On pourrait imaginer que toute réflexion et, a fortiori, toute décision en matière d'éducation et de langues se fonde, d'abord et surtout, sur un état précis des lieux et des besoins. On peut en douter et manifestement tout le monde ignore ou veut ignorer des travaux, pourtant essentiels, sur la situation martiniquaise, au premier rang desquels les thèses de Christian March et de Jean-Paul Romani. Ces thèses apportent, sur la sociolinguistique martiniquaise, des éléments de connaissance, qui divergent très sensiblement de l'image que cherchent à en donner le Groupe d'études et de recherches de la créolophonie (Gerec) qui organise la campagne locale en faveur du Capes de créole. 

Si les problèmes éducatifs majeurs des DOM ne sont naturellement pas résolus par la création d'un Capes de créole, cette réforme aura, en revanche, le net avantage, pour les ministères, de faire taire, à moindre coût, les revendications bruyantes [de ceux] qui espèrent bien se tailler par là, sinon un empire, du moins une principauté. Ces revendications étant, sous leurs formes les plus médiatisées, essentiellement martiniquaises, peut-être faudrait-il signaler, au ministère comme aux auteurs de ces revendications, qu'il y a dans les DOM français au moins quatre créoles (guadeloupéen, guyanais, martiniquais et réunionnais) qui sont des langues différentes : il faudrait donc prévoir non pas un, mais quatre Capes. 

Il y a dans les DOM français au moins quatre créoles qui sont des langues différentes : il faudrait donc prévoir non pas un, mais quatre Capes. 

Par ailleurs, peut-être devrait-on faire observer, pour prendre le cas du seul martiniquais, puisque ce créole est au centre du débat, que ce parler n'est pas pourvu d'une orthographe officielle ni même dominante. La graphie du Gerec, qu'on feint de regarder comme admise par tous, est très loin de l'être, hors du Gerec lui-même d'où viennent les revendications. 

Il existe d'autres systèmes, techniquement meilleurs. Cependant, la pratique sociale courante ignore le plus souvent ces systèmes. En dépit de l'existence de projets dont l'achèvement est sans cesse différé, le créole martiniquais n'a même pas de dictionnaire digne de ce nom. Comment peut-on, même dans ce cas précis, imaginer la mise au point rapide des épreuves d'un Capes ? 

Si l'on veut faire une place aux langues et aux cultures créoles dans les systèmes éducatifs de DOM, les circulaires de 1982 et de 1995 le permettent, mais il est clair que leur application suppose à la fois la volonté des enseignants, des élèves et des parents dont la majorité est pour le moins réservée, mais aussi, il faut le reconnaître, une forme d'approbation et de soutien de la part des recteurs. 

Dans les DOM, le problème éducatif majeur est tout autre. Il s'agit en réalité de donner à l'enseignement du français en milieu créolophone "domien" une efficacité qu'il n'a pas dans la mesure où, depuis un demi siècle, on a pensé que tout se réglerait à coup de milliards. Il y a d'ailleurs là, pour les Etats pauvres de l'espace francophone du Sud, qui sont aussi confrontés aux problèmes de la diffusion du français, une forme de consolation ; ils peuvent en effet constater qu'en couvrant les DOM d'écoles, de collèges et de lycées, la France n'est pas parvenue à améliorer, dans des proportions satisfaisantes, le rendement des systèmes éducatifs. Il ne suffit pas de créer des écoles ou des classes, encore faut-il se préoccuper de ce qui s'y passe!
 

Robert Chaudenson, professeur à l'Institut d'études créoles et francophones de l'Université de Provence. Directeur de l'Institut de la Francophonie.


 


 
 Compte rendu de la thèse de Confiant


Je dois préciser dès l’abord que ce compte rendu revêt un caractère un peu particulier. En général, dans un ouvrage scientifique, on rend compte de travaux dont on juge qu’ils ont une importance particulière dans le domaine en cause (en l’occurrence, les recherches en sciences humaines et sociales sur les langues, cultures et sociétés créoles). Dans cette perspective, je n’aurais nullement envisagé de rendre compte de la thèse de R. Confiant. Toutefois, en raison du contexte actuel et du fait que, comme on a pu le voir dans le numéro 2001/1 d’Etudes créoles, R. Confiant entend exploiter cet ouvrage dans la confection des guides pour le CAPES “ Créole ” (sans s final) et, très probablement, valoriser par là sa thèse et, qui sait, en assurer une forme de promotion commerciale (il dirige déjà la collection des Guides du CAPES!), il devient indispensable d’éclairer nos lecteurs sur cet ouvrage publié en 1999 aux Presses universitaires du Septentrion sous le titre Kréyol palé kréyol matjé...Analyse des significations attachées aux aspects littéraires, linguistiques et socio-historiques de l’écrit créolophone de 1750 à 1995 aux Petites Antilles, en Guyane et en Haïti.

Avant même d’aborder le contenu de ce livre, il faut dire un mot des conditions de sa parution. Dans un passé lointain, les thèses de doctorat d’Etat (mais la thèse de R. Confiant n’en est pas une) ne pouvaient être soutenues qu’après impression. Le changement du régime des thèses a conduit, plus tard, à créer, à l’Université de Lille 3, un “ atelier de reproduction des thèses ” sous forme de volumes d’abord, puis de microfiches, puisque nombre de thèses n’étaient pas publiées ; le microfichage des thèses permettait au moins d’en déposer un exemplaire (sur microfiches) dans chaque bibliothèque universitaire. 

Toutefois, on a mis en place, en la circonstance, un système d’harmonisation dans la présentation matérielle des thèses (pour en faciliter à la fois le microfichage et la lecture ultérieure) et de contrôle de leur validité académique et de leur qualité scientifique. Ce second point on le verra est essentiel ici.

Plus récemment, une formule nouvelle s’est ajoutée à ce dispositif et, en accord, semble-t-il, avec les Presses universitaires de Lille, s’est créée, aux Presses universitaires du Septentrion, une collection dite “ Thèse à la carte ” qui propose, en dehors de la formule des microfiches qui demeurent disponibles, des versions sur papier à tirages limités (d’où le nom de la collection). Dans tous les cas précédemment évoqués, il a toujours été bien précisé que les thèses étaient reproduites “ en l’état ” et que l’atelier ou l’éditeur déclinaient toute responsabilité quant aux “ coquilles ” et à la forme des textes reproduits. On comprend par là que les membres du jury aient été contraints, par les textes, à prendre position de la façon la plus claire sur la possibilité pour une thèse d’être ou non reproduite et publiée.

Dans le cas de la thèse de R. Confiant comme dans celui de toutes les thèses qu’elles publient, les Presses du Septentrion font précéder le texte d’une note qui commence  ainsi : “ Cet ouvrage est la reproduction en l’état [souligné par l’éditeur en italiques et en gras] de l’exemplaire de soutenance ”.

Cette mention peut paraître étrange ou anodine à qui n’est pas familier avec les usages universitaires.Il faut savoir que, lors de la soutenance d’une thèse, le jury doit choisir entre trois options (et ce choix est très important) : 
1. La thèse peut être publiée sans modifications.
2. La thèse peut être publiée après modifications proposées par le jury et après attestation par le président du jury que les modifications exigées ont été faites.
3. La thèse ne peut pas être publiée. 

La thèse de R. Confiant étant reproduite et publiée, on doit admettre que le jury a choisi une des deux premières formules. 

En d’autres termes, ou bien la thèse lui a paru satisfaire, dès la soutenance, aux exigences académiques (choix n°1) et il a jugé qu’elle pouvait être publiée sous la forme qu’elle avait. Au vu du  livre, cette hypothèse paraît peu vraisemblable, car on est alors tenté de croire que les membres du jury ne l’ont pas lue. 

Ou bien, seconde hypothèse car je n’ai pas connaissance de ces indispensables documents, des corrections et des modifications ont été demandées par le jury. Dans ce cas, de nombreuses modifications et corrections qui ont dû être imposées à l’auteur n’ont pas été faites. C’est de la responsabilité du candidat, mais en tout état de cause, il est obligatoire que le président du jury donne son accord FORMEL avant publication, ce qui paraît un peu difficile pour un grand nombre de raisons qui apparaîtront dans la suite. 

Peu importe donc, après tout, qui est responsable (le jury et le candidat ont à régler cette affaire entre eux!) mais, sous la forme publiée par les Presses du Septentrion, le travail est censé satisfaire toutes les exigences du jury, si  bien entendu, les formes légales ont été respectées. 

Or la lecture du texte amène à se poser des questions. Je ne sais pas quelle mention a été accordée à cette thèse, mais en tout cas, je suis très étonné devant une série de constats dont cet article fera inévitablement une recension partielle.

D’une certaine façon, ce compte rendu aura plutôt la forme d’un pré-rapport de soutenance. là encore, quelques mots d’explication sur les usages universitaires français. Avant d’admettre une thèse à soutenance, le travail est soumis à deux pré-rapporteurs qui doivent se prononcer sur le fait de savoir si la thèse peut être admise à soutenance. Dans cette phase de la procédure, il s’agit d’abord, pour les pré-rapporteurs, de juger de la forme et de la qualité académique du travail. Si l’on juge que la thèse n’est pas digne d’être soutenue, on le dit et on refuse, de facto, de participer au jury. Ce jugement est donc relativement indépendant de l’opinion qu’on peut avoir des hypothèses ou des théories présentées par le travail. Dans le cas de la thèse de R. Confiant, on voit mal comment des pré-rapporteurs, s’ils ont eu en mains le texte publié, on pu conclure que cette thèse était en état d’être soutenue (c’est la formule rituelle).

La forme, dans ses aspects les plus modestes, joue naturellement un rôle important. Toute thèse présente inévitablement des coquilles, des fautes de frappe, voire des fautes d’orthographe qu’on s’efforce de faire disparaitre ensuite en cas de publication; il est d’usage de les relever mais de n’en pas faire mention explicite dans la soutenance (dans un pré-rapport on demande au candidat de revoir ou de faire revoir soigneusement son texte ; lors d’une soutenance, on donne au candidat le relevé qu’on a pu faire de ces fautes pour qu’il les corrige). 

Il ne s’agit pas ici de faire un relevé des fautes d’orthographe de cet ouvrage. Un exemple toutefois de l’ordre de certaines erreurs qu’on est étonné (au sens le plus étymologique) de trouver dans la prose d’un candidat au doctorat. Comme je l’ai signalé dans mon précédent compte rendu des deux Guides, R. Confiant ne connaît pas la différence orthographique entre “ voie ” (< via) et “ voix ” (<vox) ; le lecteur en rest pantois. On trouve d’autres fautes toute aussi inattendues car elles relèvent de l’orthographe d’usage la plus courante (en outre le correcteur orthographique de tout ordinateur les signale au rédacteur). On observe ainsi que R. Confiant écrit “ québecquois ” (page 118), “ portuguais ” (page 218),  “ linhuistique ” (page 256), “ rennaissance ”, “ affixe de [sic] aspectuo-temporel ” (page 220), “ innoncence ” (page 260, mais R. Confiant croit que c’est là l’orthographe de ce mot puisqu’il la répète plus loin page 261 ; peut-être y voit-il par nasalisation progressive une créolisation du terme ; je suis décidément bien aimable de lui fournir, par avance, une justification idéologique à son ignorance de l’orthographe) ; on trouve aussi nombre de fautes de grammaire grossières comme “ quelle qu’elles soient ”.. Les bizarreries et les fautes de style sont également nombreuses, dès lors que l’auteur ne voit pas son texte corrigé par les maisons d’édition et qu’il ne peut plus donner à ses erreurs ou ignorances le lustre de la liberté du génie créateur : “ retient de / emprunte à celle d’écosystème ” (page 19), “ Pour s’en tenir ...il nous paraît ” (page 139),  “ faire le Nègre retourner ” (page 162, “ créolisme classique ”) ; “ subir un phénomène ” (page 327), “ n’auront cesse de ” (page 330), etc. 

Tout cela ne serait pas trop grave si le lecteur n’était, par ailleurs agacé, par le style prétentieux de R. Confiant qui manifeste, par exemple, un amour constant pour l’imparfait du subjonctif, même si les règles de son emploi ne sont pas tout à fait maîtrisées. Cette prétention s’accompagne ausis d’une négligence qui est d’abord une forme de mépris pour le jury et les lecteurs éventuels.

Il se manifeste surtout par une forme très relâchée ; on ne peut compter les cas où les premiers guillemets sont mis à l’envers ; l’usage de tirets longs bizarres, placés au-dessous de la ligne est également constant. On trouve des crochets destinés à citer des signes phonétiques entre lesquels il n’y a rien (page 342). Mieux, le même passage d’une dizaine de lignes figure deux fois dans le texte (pages 150 et 152), sans que ce détail ait attiré l’attention de quiconque! R. Confiant qui use, selon la tradition, du “ nous académique ” ne le fait pas de façon constante (il revient souvent au “ je ”), mais surtout, et c’est bien plus grave, il n’en connaît pas le maniement orthographique (ce nous académique n’entraîne pas le pluriel qu’on trouve pourtant souvent comme page 139 et 140  “ nous sommes conscients ”. Il ne s’agit pas d’inadvertances et on en trouve plusieurs autres exemples.

Cette prétention se manifeste aussi dans un goût pour les “ gros ” mots dont l’auteur doit penser qu’il donne à son texte une scientificité qui, de fait, lui manque souvent. Ainsi, page 154, R. Confiant, qui doit souffrir gravement de n’avoir pas fait d’études classiques et qui mêle un peu le grec et le latin, se met soudain à parler “ lexies liées au monde l’antiquité grecque, notamment des noms de divinités”. Or figurent dans le tableau qui suit Pomone, Vesper, Flore, et Diane qui sont évemment latines et non grecques! Si on veut faire le savant, il faut au moins vérifier ce que l’on ignore.

R. Confiant est manifestement saisi par l’amour des langues classiques qui ne le lui rendent guère. Ne sachant pas que “ di- ” (diglotte) est un préfixe grec, il forge un “ uniglotte ” (on attendrait logiquement “ monoglotte ”) ; il va même jusqu’à risquer l’expression hardie “ langue uniglotte ” (page 140)! Là encore la cuistrerie se double d’ignorance ; R. Confiant dit “ un aura ” (au masculin!) ; voulant parler du “ droit du sol ”, il fait le savant en évoquant sans le savoir le “ droit du soleil ” (il écrit “ jus solis ”, page 29, alors que “ le droit du sol ” est jus soli). Lui qui se donne pour partisan de la “ sociogenèse ”, il parle de “ sociétés qui se sont créées presque in vitro ” (page 50) ce qui est absurde et montre surtout qu’il ne sait pas ce que veut dire cette expression pourtant transparente. La référence au titre latin du livre de Pelleprat De insulis America est sûrement fausse (page 257) car on ne voir pas ce que cela voudrait dire en latin ; comme il n’y a rien dans la bibliographie (comme d’habitude), on ne peut identifier l’erreur de façon sûre.

Tout cela est parfaitement inadmissible dans une thèse et on se demande comment on a pu admettre à soutenance un travail pareil. Tout cela n’est pourtant rien à côté des éléments à venir.

Un point essentiel dans un travail académique tient aux références et à la bibliographie. Pour prendre un point capital, ce travail est rendu inadmissible par l’absence très fréquente, pour ne pas dire presque constante, des références des travaux cités. Cette négligence, inadmissible dans un mémoire de maîtrise, peut prendre plusieurs formes. 

Nombre de travaux cités dans le texte ne figurent pas dans la bibliographie ; le fait n’est sans doute pas exempt de calculs dans certains cas que je n’illustrerai que par un exemple. Guy Hazaël-Massieux et moi-même avons publié dans Etudes créoles en 1987 (vol. X, n° 1, pp. 35-54) un article sur les fabulistes créoles intitulé “ Marbot, Sylvain, Young et les autres ” ; j’avais par ailleurs moi-même publié auparavant, en 1981, un livre où se trouvent réunies pour la première fois les plus anciennes fables écrites dans l’Océan Indien (en particulier Chrestien 1820 et Héry 1828) : Textes créoles anciens (La Réunion et Maurice) ; comparaison et essai d’analyse, H. Buske, Hambourg. Ces deux textes ne figurent pas dans la bibliographie alors que la fable est un genre auquel R. Confiant accorde beaucoup d’attention.

Curieusement, notre article est cité dans le texte (sans référence de titre et d’éditeur page 465, mais pour un aspect tout à fait mineur). On voit assez facilement les raisons de tels oublis. Sur quelques points sur lesquels je ne m’attarderai pas R. Confiant utilise des textes antérieurs sans les citer, ou, parfois, en oubliant de faire figurer les références dans la bibliographie. Un tel comportement est bien entendu inadmissible, mais surtout il témoigne d’une méconnaissance totale de la pratique et de la déontologie scientifiques. Quand on fait une thèse, ignorer des travaux antérieurs dont on retrouve, par hasard, les conclusions, n’est nullement une excuse, bien au contraire, puisque toute thèse implique, a priori, une connaissance approfondie, pour ne pas dire exhaustive, du domaine en cause. 

Je ne citerai que trois exemples : les deux premiers me concernent directement ; j’ai mis en évidence depuis très longtemps deux points qu’aborde R. Confiant ; d’une part la périodisation de la durée de formation des créoles, d’autre part ce que j’ai nommé le “ décalage tropical ” c’est-à-dire le fait que les littératures créoles imitent des modèles de la littérature française quand ils ont déjà cessé d’y tenir le devant de la scène. Ces deux aspects sont évoqués par R.Confiant ; pour le premier il évoque un texte d’A. Khim (1994), postérieur de 20 ans aux miens et même postérieur à mon livre de 1992 où ce problème est largement évoqué et que R. Confiant fait figurer dans sa bibliographie. Pour le second, il remplace simplement “ tropical ” par “ termporel ”, sans faire référence à quoi que ce soit. Bien plus grave est l’absence quasi totale de référence aux travaux de L.F. Prudent et en particulier à sa thèse, travail pourtant incontournable dans le domaine traité et qui ne figure même pas dans la bibliographie (ce qui ne veut pas dire bien sûr qu’elle n’ait pas été utilisée!).

Pour le problème des références proprement dites, je prends, un peu au hasard quatre pages au milieu du premier volume (143-146) ; on y trouve sept citations ; or, une seule comporte à la fois la date et la page du texte cité! C’est inadmissible dans une thèse et je pourrai citer des dizaines de cas de ce genre.

Les références sont donc incomplètes ou même absentes dans un grand nombre de cas ; on serait tenté de s’en réjouir car elles sont très souvent fautives. R. Confiant ignore par exemple qu’une référence doit toujours être faite en citant la première édition d’un texte ; quand on fait référence à une réédition, on doit toujours le préciser. Faute de quoi, on se trouve en présence d’anachronismes parfois absurdes. Les erreurs sont multiples sur les dates comme sur les noms. Citons, sans vouloir être exhaustif, quelques cas parmi les plus choquants. Pour les dates : page 17, la citation d’A. Khim à laquelle je faisais ci-dessus référence est ainsi référencée “ A. Khim (174 : 24) ”. Pour une fois que la référence est complète, elle est absurde. Les Fables de Marbot, un des auteurs auxquels Confiant s’attache le plus, sont datées tantôt de 1844 (page 17), tantôt de 1846 (page 465), tantôt même de 1946 (page 729). Comment un jury peut-il admettre pareil comportement et si des corrections ont été exigées par le jury, pourquoi n’ont-elles pas été faites ? Bickerton (page 295) est daté de 1891! etc.

Les noms des auteurs sont fréquemment estropiés ce qui montre bien qu’ils ne sont guère familiers à R. Confiant : DeCamp est écrit Decamp (page 33) ; un seul des deux titres cités figure dans la bibliographie et en outre, sans la moindre référence! Marceline Desbordes Valmore, dont on se demande ce qu’elle vient faire dans cette galère sinon pour fournir une cible facile à R. Confiant voit son prénom pourvu d’un second l (Marcelline au lieu de Marceline) ;  S. Lafage se voit affublée d’un nom de cimentier (Lafarge) ; Laubach, dont le nom revient à de multiples reprises est parfois écrit correctement, mais le plus souvent Lauback ou même Laubak (pages 353-354 ; ces fautes dans les mêmes pages soulignent le mépris total de R. Confiant pour son jury comme pour ses éventuels lecteurs). Les créolophones ne sont pas toujours mieux lotis ; Emile Celestin Mégie se voit pourvu d’une mystérieuse initiale de prénom J. tandis que Didier de Robillard est prénommé Daniel. Paul Wald (page 734) est nommé Walo. Suzanne Sylvain-Comhaire pose problème à l’auteur, qui ne l’a évidemment jamais lue, tantôt il la nomme Comhaire comme page 252, tantôt Sylvain Comhaire ( page 254, en regardant le premier nom comme un prénom puisqu’il n’y a pas de trait d’union ! ). Comme les ouvrages ne sont pas dans la bibliographie et que le nom n’est pas dans la liste des auteurs, il est impossible de s’y retrouver.

 Manifestement, R. Confiant n’a pas dû beaucoup lire ni même feuilleter la plupart des livres qu’il cite. On observe au passage que les rares auteurs dont la bibliographie est un peu étendue sont ceux dont il pense qu’ils seront dans son jury de thèse (je reviendrai sur ce point). Le comble est atteint dans le cas de Guy Hazaël-Massieux auquel est dédiée la publication et qui page 258 se voit pourvu d’un second prénom G.H. Hazaël-Massieux (258), avant que, comble de l’affaire, page 297, son nom devienne une initiale de prénom G.H. Massieux ! Je ne doute pas un instant que R. Confiant connaisse le nom et l’orthographe du nom de Guy Hazaël-Massieux. Je ne vois là qu’une manifestation de sa totale désinvolture dans une procédure académique dont il est sûr, a priori, qu’elle ne sera pour lui qu’une formalité.

Certains lecteurs pourront juger qu’il s’agit là de vétilles ; dans un ouvrage de nature différente, on pourrait soutenir ce point de vue, mais il s’agit là d’une thèse de doctorat qui peut hélas conduire R. Confiant à diriger, un jour, à son tour, la préparation de thèses. Comment quelqu’un peut-il enseigner ce que, de toute évidence, il ne sait pas lui-même ? Un dernier élément sur ces aspects méthodologiques et déontologiques. La thèse présente un élement qu’on peut juger positif qui est un index des auteurs cités (alors que la table des matières n’est même pas paginée!). J’ai trouvé la chose utile et j’ai fait une première vérification sur mon nom car j’ai été étonné de voir que, selon cet index, j’étais cité sept fois dans ce livre. Or toutes ces références sont FAUSSES et mon nom n’apparaît à aucune des pages mentionnées. J’ai donc vérifié pour d’autres auteurs comme L.J. Calvet ou L.F. Prudent. Toutes les références sont FAUSSES, sauf une pour L.F. Prudent (page 32). J’invite donc les membres du jury à procéder, a posteriori, à cette petite vérification qui en dit long sur les méthodes de travail de l’auteur.

Le pire reste à venir puisque je vais aborder maintenant le fond des choses. R. Confiant prétend lui même à une triple compétence ; en ethnographie (il se dit ethnographe, page 256 en particulier), en linguistique (il y a été initié par G. Mounin, G. Hazaël-Massieux puis J. Bernabé ; cf. pages 37-38) et en littérature française puisqu’il y fait de fréquentes allusions. Voyons quelques illustrations de ces compétences multiples.

Militant culturel et ardent défenseur de la culture et de la langue antillaise, R. Confiant montre des ignorances confondantes pour tout ce qui touche l’histoire de la société des Antilles, alors qu’il se réclame d’une approche “ sociogénétique ”. Je n’en citerai que quelques exemples. 
Ainsi, à partir du texte de Pelleprat (page 148), il va affirmer que ce texte est repris par “ des dizaines d’auteurs d’autres relations ”. Il suit ici, sans le citer bien sûr et surtout sans bien le comprendre, G. Hazaël-Massieux. Des témoignages comme celui de Mongin, qui n’est pas dans la bibliographie quoiqu’il soit essentiel, d’abord ne sont évidemment pas des “ relations ” et ensuite sont des témoignages authentiques du plus haut intérêt.

R. Confiant ignore les réalités les plus basiques de l’histoire de son pays. Il ne sait pas ce que ce sont les Compagnies et, à la période des Compagnies, il parle, pour la période qui va de “ 1625 à 1680 ”, des “ fonctionnaires royaux ” alors que le rattachement des Antilles au domaine royal n’a lieu qu’en 1674. Mieux encore, il ne sait pas même pas ce qu’est un “ habitant ” (il définit les “ habitants ” comme “ ceux qui s’implanteront durablement ” page 149) ; il ne sait pas davantage ce qu’est un “ engagé ” et page 256 il parle des “ engagés européens [et de] leurs esclaves africains”! Comment peut-on prétendre enseigner la langue et culture régionales à l’Université des Antilles en manifestant de telles ignorances de l’histoire des Antilles. Il faut bien expliquer un peu les choses pour ceux qui n’ont pas à rougir de ne pas les connaître. Les “ engagés ” ou “ trente six mois ” (car ils s’engageaient pour trois ans) étaient de pauvres hères français à l’aide desquels on a essayé, au début de ces colonies, de les mettre en valeur. Payés en nature (en “ pétun ”) au terme de leur contrat, ils étaient dans des conditions si misérables qu’on en trouva de moins en moins, ce qui amena à mettre en place le système esclavagiste. Les “ engagés européens ”, dont la condition était pire que celle des esclaves qui leur succédèrent, étaient donc bien éloignés de posséder eux-mêmes des esclaves. R. Confiant, maintenant qu’il est docteur et maître de conférences, devrait prendre le temps de lire la belle thèse de J. Petitjean -Roget sur la société d’habitation à la Martinique (1980) qui figure dans la bibliographie de cette thèse, mais que R. Confiant, de toute évidence, n’a jamais ouverte.

Les termes les plus courants de l’histoire des Isles sont ignorés de R. Confiant et il en tire parfois des commentaires absurdes qui vont dans le sens de son idéologie au mépris des données les plus courantes de l’histoire. Un exemple page 289 : “ dans les ateliers de Saint-Domingue où l’on travaillait déjà à la chaîne ”. Il ignore de toute évidence ce qu’est un “ atelier ” dans la société coloniale ; il le montre de façon éclatante en introduisant une comparaison avec “ les manufactures françaises et les filatures anglaises ” (page 289). 
On reste confondu devant des ignorances aussi crasses.

Une ou deux perles encore pour finir sur le sujet. Page 61, il fait un couplet sur la société de plantation qui confirme naturellement qu’il n’a pas lu J. Petitjean-Roget ; pour faire le savant, comme toujours, il aligne quelques noms  : “ De Gilberto Freyre (1933) [n’est ce pas plutôt 1943 ; la bibliographie donne la même date, mais de tout évidence à tort puisque la référence concerne la traduction] et Roger Bastide (1967) à Edouard Glissant (1981) en passant par Petitjean Roget (1980) et F. Affergan (1991) [petit mystère chronologique comment va-t-on de 1933 à 1981 en passant par 1991?], nombreux sont ceux qui érigèrent la plantation en matrice de la société antillaise et guyanaise ” (page 61). Comment peut-on sur un tel sujet omettre les noms de S. Mintz et R. Price (sauf bien sûr si on ne les connaît pas!). Autre ineptie, plus actuelle, mais qui souligne une totale ignorance des sociétés en cause : “ Les pasteurs protestants [sic] [...] ignoraient le français (langue depuis toujours de la religion catholique en Haïti, leur principale concurrente sur place à côté du Vaudou) ” (page 295). Comme si, en Haïti, on ne pouvait être catholique et adepte du vaudou !
La cerise sur le gâteau se trouve page 67 où le grand érudit liseur qu’est R. Confiant fait allusion à la “ fameuse “ Leçon d’écriture ” dans Tropiques (1955) de Claude Levi-Strauss ”. Tristes tout de même!+

Le linguiste ne vaut pas mieux que l’ethnographe, en dépit de ses prétentions. Je m’en doutais un peu après avoir lu ses propos sur les créoles (langues ou dialectes). Là encore je devrais me contenter de quelques exemples. On ne sait par quoi commencer ; le choix est large car la plupart des affirmations de R. Confiant dans ce domaine sont inexactes, fausses ou absurdes.

Commençons par quelques faits qui concernent les créoles eux-mêmes. Substratomaniaque (sans être capable de fonder en quoi que ce soit cette théorie, mais il n’est pas le seul) et basilectophile (tout en affirmant que le basilecte n’existe plus en Martinique, mais heureusement Confiant-Zorro est arrivé pour en fabriquer un!), R. Confiant affirme que les “ “ déformations ” par rapport au créole réel ” (page 217) comme par exemple les voyelles arrondies (u au lieu de i par exemple) résultent d’un “ mécanisme inconscient de francisation phonologique de l’énoncé créole ” (ibidem) dans les textes où il les relève. Si  R. Confiant connaissait les travaux de description dialectologique du réunionnais (Carayol, Chaudenson, Barat Atlas linguistique et ethnographique de la Réunion), du rodriguais (Chaudenson, Carayol, Barat, 1992) et de l’haïtien (thèse de D. Fattier , 2000), il saurait que des telles variantes sont présentes, à l’oral, dans la bouche de locuteurs créolophones unilingues qu’on ne peut guère soupçonner de connivences larvées avec le système des Blancs. Ici comme ailleurs, ces erreurs qu’on pourrait pardonner à quiconque deviennent insupportables car elles s’accompagnent d’un aplomb qui frôle la totale inconscience.

R. Confiant se donne comme un spécialiste des questions qui touchent aux créoles et à l’école. Sur ce terrain aussi on relève d’autres énormités qui montrent sa totale ignorance des questions dont il parle. Il évoque en effet (page 302) “ La généralisation de l’usage du créole à l’école primaire par le régime Duvalier au début des années 80 ”. C’est totalement faux ; il n’y a eu alors qu’une très modeste expérimentation qui a très vite tourné court. 

Il affirme également : “ Dans les deux pays concernés [Haïti et les Seychelles] il a été mis un terme brutal à la créolisation linguistique et même, aux Seychelles, à un retour [il a été mis un terme au retour ?! Il veut sans doute dire le contraire!] à la situation antérieure où prédominaient l’anglais et le français ” (page 302). Outre l’incohérence de style, on relève au moins trois affirmations fausses en trois lignes:
1. Comme je viens de le dire, il n’y a jamais eu de généralisation de l’usage du créole dans les premières années du système haïtien (là encore on voit que Confiant n’a pas lu le livre que j’ai écrit sur cette question avec P. Vernet, quoiqu’il le cite dans la bibliographie).
2. L’expérience seychelloise ne s’est nullement arrêtée brutalement ; commencée dans les années 80, elle se poursuit encore aujourd’hui.
3. Il n’y a eu aucun “ retour ” à la situation antérieure qui n’était d’ailleurs pas celle qu’évoque R. Confiant.
Pour ce qui est d’Haïti, son ignorance des réalités locales est confirmée par ce qu’il dit à propos de l’interccompréhension entre les créoles d’Haïti et des Petites Antilles. : “ L’intercompréhension est telle entre les locuteurs de ces pays qu’on peut légitimement relativiser les différences ”. Une telle affirmation prouve de sa part une totale méconnaissance des réalités linguistiques ;  des locuteurs unilingues des créoles haïtien et martiniquais ne se comprennent pas ; tous les Petits Antillais honnêtes que j’ai pu rencontrer en Haïti m’ont toujours dit leur extrême difficulté à comprendre l’haïtien. R. Confiant fait évidemment allusion à l’haïtien écrit, car pour ce qui est de l’oral, je suis prêt à lui organiser, quand il le voudra, un test pour évaluer sa compréhension de l’haïtien parlé authentique de locuteurs créolophones unilingues.

L’ignorance voisine parfois avec une naïveté tout aussi étonnante. R. Confiant se lance dans un développement compliqué à propos du R antillais, dans sa critique de M. Desbordes-Valmore qu’il a choisi comme cible. Pour une fois, il doit reconnaître que la position substratiste n’est pas tenable puisque, quand ils parlent français, les Africains de l’Ouest n’ont pas du tout l’articulation antillaise de ce phonème (on aimerait le voir s’expliquer sur ce point d’ailleurs mais passons...). Il découvre donc, à travers D. Colas-Jolivière (1976) que “ le créole semble avoir hérité ce trait des parlers provinciaux français du XVIIe siècle ” (page 223). Stupéfiante révélation, les colons français du XVIIe siècle parlaient le français du XVIIe siècle! Merci pour cette révélation Monsieur Confiant!

Sustratomaniaque, il aborde la théorie de la relexification à travers C. Lefebvre (qu’il ne paraît pas voir lu et dont il ne cite dans sa bibliographie que l’article de Plurilinguisme de 1994) et A. Khim (1994; article dans le même numéro). Ce numéro de Plurilinguisme est de toute évidence le seul ouvrage sur la question dont il ait eu connaissance ; je ne dis pas qu’il ait lu car s’il l’avait fait, il aurait lu aussi les critiques de ce point de vue qui y sont faites par S. Mufwene et moi-même (il cite pourtant mon article dans sa bibliographie mais on a vu que souvent des références, purement décoratives, n’ont guère de sens). Tout cela nous est présenté comme des vérités révélées alors que ces théories n’ont pas reçu le moindre commencement de preuve socio-historique (Que faisaient les esclaves de langue non fongbe pendant ceux qui parlaient cette langue relexifiaient le français?) ou linguistique (cf. R. Chaudenson “ Démystification de la relexification ” article pour lequel j’attends toujours des éléments de réponses de la part de C. Lefebvre et de ses épigones qui, semble-t-il, se font de plus en plus rares et discrets), alors qu’au contraire R. Confiant perçoit un “ vif renouveau des partisans [sic] du substrat africain ” dans les années 80. Confirmant mon sentiment sur sa connaissance des travaux de C. Lefebevre, il cite à l’appui de cette assertion, le texte de 1994 que j’ai déjà évoqué. C’est dire la connaissance approfondie qu’il a de ce point de vue. 

L’historique que R. Confiant fait des études linguistiques sur les créoles mériterait d’être étudié dans son détail. Il reprend, page 252, la classification de L.F. Prudent (naturellement sans le citer, comme toujours), mais y ajoute, selon son habitude, quelques erreurs ou sottises (Bickerton avec une référence de 1891!). Il date ainsi les théories eurogénétiques du XVIIIe siècle (on aimerait connaître les références car il y a là un scoop!) En fait on constate ensuite que R. Confiant regarde comme des théories linguistiques les observations naïves de prêtres ou des voyageurs. Comme ailleurs, Confiant aime à se donner des adversaires à sa taille qu’il peut aisémenrt pourfendre. La deuxième moitié du XIXe siècle et la première moitié du XX e sont marquées, dit-il, par la “  “ découverte ” d’un “ sabir afro-portugais ” qui aurait été parlé par les Africains parqués dans les comptoirrs de la côte ouest-africaine ” (page 254) ; l’abondance des guillemets semble traduire une forme d’incertitude dont R. Confiant témoigne rarement. On aimerait toutefois être éclairé sur cet événement capital pour la créolistique. Qui à découvert ce sabir ? Où ? Comment ?

“ Dans les années 50-70, essentiellement dues à des chercheurs non natifs - dont le plus connu est D. Bickerton et sa théorie du bioprogramme linhuistique [sic], les positions neurogénétiques semblèrent s’imposer un temps ” (page 255). Difficile de dire plus de choses fausses ou ineptes en si peu de mots. “ Dans les années 50-70 ”, on a peine à trouver un nom d’auteur de ce type de théorie et Roots of language que Confiant date, comme on l’a vu plus haut de 1891 (page 252), est de 1981, ce qui rend un peu difficile de le situer dans les années 50-70! Par ailleurs ce point de vue est bien loin de s’imposer, mais suscite plutôt des controverses.

La “ sociogenèse ” qui semble s’imposer désormais aux yeux de R. Confiant n’est pas définie et cette approche a été proposée depuis longtemps par M. Alleyne ou moi-même. La version qu’en donne R. Confiant est d’ailleurs d’autant plus pittoresque qu’elle comprend des anachronismes invraisemblables que j’ai déjà soulignés (“ les engagés et leurs esclaves ” page 256 !). 
Pour ce qui est de la connaissance de la linguistique française, nous verrons les choses dans la partie suivante qui touche à la connaissance qu’à de l’histoire de la langue et de la littérature françaises le maître de conférences de l’Université des Antilles.

Selon les principes de la rhétorique classique, je place ce point en dernier dans les trois que j’ai annoncés car on ne doit pas perdre de vue que R. Confiant, si étonnant que cela puisse paraître à la lecture de ce qui précède, enseigne à l’université, dirige des travaux de recherche (en deçà du DEA peut-on espérer) et prétend préparer les étudiants au CAPES. Or, jusqu’à preuve du contraire, les étudiants qui se présenteront au CAPES de créole (sans s), devront passer par ailleurs des épreuves d’un autre CAPES, qui sera souvent, dans leur cas, celui de lettres modernes. La connaissance que peut avoir de l’histoire de la langue et de la littérature françaises est donc un élément essentiel. J’ajouterai que c’est lui-même qui se risque souvent sur ce terrain où nul ne l’oblige à s’avancer. On va voir que l’y suivre vaut assurément le détour.

Commençons par l’histoire de la langue française. On a déjà pu mesurer, dans l’affaire du CAPES, l’étendue des ingorances de R. Confiant dans le domaine de la créolistique. On sait qu’à ses yeux (mais il a sur ce point retourné sa veste avant quelques jours plus tard de la remettre, si l’on peut dire à l’endroit ; cf. sur ce point Etudes créoles, 2001, n° 1), il y a un *CREOLE (situé on ne sait trop où et on ne sait trop quand) dont les créoles français, ceux des DOM mais les autres aussi (car on voit mal pourquoi leur situation serait différente) sont les dialectes. On comprend mieux ces aberrations quand on a lu la thèse de R. Confiant. On y apprend en effet (autre scoop) que le normand et le picard sont des dialectes du FRANÇAIS “ jusqu’au XIXe siècle ” (page 300). Apparemment à cette date, ils perdent cette qualité ! Comprenne qui pourra ; je laisse P. Brasseur et J.M. Eloy (spécialistes éminents de ces dialectes d’oïl) juger de la pertinence linguistique de tels propos auxquels R. Confiant est si attaché qu’il n’hésite pas à les répéter (“ les dialectes du français comme le Normand et le Poitevin ” page 315).

La vision que R. Confiant a de l’histoire de la langue française est des plus pittoresques.
La pensée , comme on va le voir n’est pas très claire :
“ Il convient, s’agissant de la question de la norme, de faire ici une distinction entre les langues orales ataviques et les langues orales non ataviques. Jusqu’au XVIIIe siècle en France, on pouvait en [de quoi?] distinguer au moins trois, si l’on se réfère à l’enquête de l’Abbé Grégoire menée pendant la Révolution française :
- celle des paysans (la majorité de la population) qui transparaît [sic] dans certaines comédies de Molière par  exemple.
-celle des citadins du peuple (les gens des Halles dont parle Vaugelas [qui recommande “ la façon de parler de la plus saine partie de la cour ”]).
-celle de la Cour (une toute petite minorité). 
Toutes les tentatives de normalisation depuis Malherbe ont consisté à privilégier cette dernière au détriment des deux autres, ce que la Révolution française n’a pas réussi à changer quand on examine les discours de Robespierre ou Danton [sic ; la syntaxe est hardie !]. Paradoxalement la fin de la Royauté consacre la souveraineté définitive du beau langage, lequel sera pris en charge par la nouvelle classe dominante la bourgeoisie; ” (pages 302-303). 

Il assez malaisé de comprendre ce que veut dire R. Confiant, en particulier avec ses langues “ataviques ” (mais il n’est pas sûr qu’il connaisse le sens de ce terme). S’attendait-il, comme on peut le penser à le lire, à ce que Robespierre ou Danton parlassent (pour en user comme R. Confiant dans ses bons jours) comme les paysans des Agréables conférences ou les poissonnières de la Place Maubert ? Un élève de quatrième a une vue plus précise de l’histoire de la France! La Révolution est plutôt la consécration de la montée en puissance de la bourgeoisie que le début de son règne comme le croit R. Confiant. Ce qui est sûr, c’est que pour l’Abbé Grégoire, toute sa science, il l’avoue un peu plus loin (page 316) lui vient de la lecture d’un passage de L.J. Calvet (1974) ; par ailleurs, on constate à nouveau (page 315) qu’il ne fait pas de différences entre les variétés régionales du français et les dialectes d’oïl!

C’est toutefois les vues de R. Confiant sur l’histoire de la littérature française qui sont les plus stupéfiantes, car elles découvrent des gouffres d’ignorance qu’on ne peut même imaginer. Quelques exemples, d’autant plus significatifs qu’il s’agit là de terrains sur lesquels l’auteur s’aventure de sa propre initiative.

Prenons, pour simplifier les choses dans l’ordre chronologique, encore que, comme on va le voir, une telle approche ne soit pas très familière à notre auteur. 

On a vu, dans le compte rendu que j’ai fait de deux Guides du CAPES produits par R. Confiant que ce dernier situe la Défense et Illustration de la langue française de Du Bellay (1549) après la création de l’Académie Française (1635). Il ne peut plaider l’inadvertance (toujours possible et pardonnable), puisqu’on lit un peu plus loin : “ Ce n’est que lorsque l’Académie française, la Pléiade [sic], Malherbe et Vaugelas eurent fixé les règles du français littéraire ” (page 6 dans mon tirage). Il situe donc bien la Pléiade au XVIIe siècle!

Un passage particulièrement savoureux, que j’ai évoqué ci-dessus sous un autre angle, se trouve aux pages 153 et suivantes. Il y traite d’un certain Léonard, “ poète béké guadeloupéen ”, qui demande à Pomone “ déesse de l’Antiquité grecque ” de le ramener au Guadeloupe. Pomone est non pas grecque, mais latine ; notre auteur est si certain de sa science qu’il ne prend même pas la peine d’ouvrir le Petit Larousse (avec un seul r là où Confiant en met deux!). Il mêle allègrement et avec une grande constance dans l’erreur les figures grecques et latines, mais se livre surtout à d’étranges analyse, après avoir constaté chez cet auteur “ une bonne culture classique ” (page 154, ce qui n’est pas assurément le cas de R.Confiant lui-même!). Je passe sur le détail d’analyses aussi branlantes qu’insipides. L’important est qu’il trouve dans tout ce fatras mythologique “ un ensemble de lexies propres à la poésie parnassienne ” (page 151). Comme toujours, il n’y a ni référence ni date, mais comme Léonard est mort en 1793, nous sommes assurément en XVIIIe siècle. Situer le Parnasse (qu’on peut placer, grosso modo, au début de la seconde moitié du XIXe siècle) en plein XVIIIe siècle est un apport de R. Confiant à l’histoire littéraire française qu’on se doit de souligner! 

Mieux encore, mais on se sait pas si Confiant ignore le sens des mots dont il use, il range “ Léonard parmi les épigones [souligné par moi] provinciaux (ici coloniaux) des grands poètes parnassiens [souligné par moi] ” (page 155). On est là en plein délire! En fait, Confiant, qui manifestement ignore tout de la littérature française, du Parnasse comme du reste, ne reconnaît pas dans l’écriture de Léonard le “ style noble ” le plus caractéristique de la poésie du XVIIIe siècle.

Quelques autres âneries ou erreurs, grossières mais significatives, un peu au hasard. R. Confiant évoque un roman de Victor Hugo qui “ évoque la révolution haïtienne ” (page 214) ; le problème est qu’il le baptise Burg-Jargal au lieu de Bug-Jargal, ce qui montre bien qu’il ne l’a pas lu. Ce n’est pas une inadvertance puisqu’il répète son erreur 20 pages plus loin (Burg Jargal page 232). Il doit confondre avec les Burgraves dont il a dû entendre parler!

Les vues de R. Confiant sur la critique littéraire sont tout aussi approximatives (mais encore une fois “ Que diable va-t-il faire dans cette galère,? ”). Ainsi, page 21, affirme-t-il que dans les années 60-70 “ l’importation sauvage des concepts de la linguistique dans le champ de l’analyse littéraire [...] a abouti à occulter voire à nier toute pertinence de la psychogenèse et de la sociogenèse des textes littéraires ”. Ce constat tient seulement, une fois de plus, à son ignorance et sans doute n’a-t-il jamais entendu parler de Ch. Mauron ou de L. Goldman.

On va sans doute me reprocher de ne pas en venir plus vite aux thèses soutenues par R. Confiant. Le problème est qu’il n’y en a guère ; en fait son travail est pour la partie qu’on pourrait nommer, un peu pompeusement théorique, une paraphrase des idées de J. Bernabé et, à un moindre degré, d’E. Glissant (plus de 100 références à ces deux auteurs dans le pseudo-index dont j’ai parlé plus haut). Pour le reste, on trouve soit des sortes d’explications de textes, souvent insipides et laborieuses (avec des considérations infinies sur des problèmes de graphie cent fois posés), parfois aberrantes (j’ai cité plus haut celle de quelques vers de Léonard et on en a vu le niveau!). Le second volume est à cet égard particulièrement pénible : citons à titre d’exemple le début du commentaire sur “ le style de Marbot ” (page 469 et suivantes) :
“ Lorsqu’on compare la fable Le loup et le chien, [souligné donc en italiques car R. Confiant ignore l’usage académique des guillemets et de l’italique comme on l’a déjà vu] de Marbot à celle de La Fontaine au niveau du décompte des vers, on note d’emblée que les deux fables en ont exactement le même nombre : 41 ”. Passionnant! Ça commence bien! On compare ensuite le nombre des mots par vers pour conclure à propos de Marbot : “ Il n’y a aucune raison particulière qui puisse expliquer une disposition typographique aussi étrange ” (p. 471). On ne compte pas moins d’une huitaine de pages de la même farine (ejusdem farinae pour être agréable à R. Confiant!).

Venons en à trois points qui sont essentiels dans le propos et le contexte : la question de la graphie des créoles de la zone américano-caraïbe ; le domaine de la fable (choisi pour le CAPES de créole ; l’origine et le sens du mot créole.

L’invention de la graphie GEREC et sa diffusion.

Sur la question de la graphie, on peut résumer ainsi la position de R. Confiant qui revient à de nombreuses reprises sur cette question. La graphie dite GEREC a été créée (page 295)  par J. Bernabé (1978) ; elle  s’est “ généralisée ” (page 298) et a connu un grand succès aux Petites Antilles tant auprès des scripteurs populaires (page 23) que des écrivains ; elle s’est ainsi répandue dans le monde, en particulier en Haïti et aux Seychelles. 

J’ai déjà évoquée cette question (Etudes créoles, 2001, n° 1) pour dire qu’il y avait là une série d’ignorances, de demi vérités et de mensonges. Comme toujours R. Confiant cherche à anesthésier son lecteur par sa faconde et une érudition dont nous avons vu ce qu’elle vaut. Il situe la mise au point de la graphie GEREC en 1978 ce qui montre, en passant, qu’il ne connaît même pas les travaux de J. Bernabé puisque la première référence de cet auteur date non de 1978 mais de 1976 “ Propositions pour un code graphique intégré des créoles à base lexicale française ” in Espace créole, n° 1, pp. 25-56. Il suffit de consulter la bibliographie de la thèse de J. Bernabé pour le savoir.

Trois remarques sur ce point en laissant au lecteur le soin de conclure.

1. Dans sa thèse (1983), J. Bernabé lui-même écrit (en note page 300) : “ Le système de la Guadeloupéenne Dany Bebel-Gisler (1975) est une reconduction pure et simple du système proposé par Dejean (1974) qui ne tient aucun compte de la spécificité martiniquaise - et d’une partie de la Guadeloupe -s’agissant des palatales occlusives ” (la différence est mineure, on en conviendra).

2. En 1976 (donc élaboré à partir d’enquêtes et dans un code graphique mis au point puis testé pendant 6 mois aux Côtes de Fer) paraît le Ti Diksyonè kreyol-franse (Editions Caraïbes) publié sous la direction d’A. Bentolila.

3. L’équipe de Paris V et P. Vernet ont joué un rôle essentiel dans la mise au point du système haïtien qui ne présente que des différences mineures avec le système GEREC. Il suffit de comparer les dates pour voir que le GEREC ne peut nullement se donner comme “l’inventeur ” de ce système.

Pour ce qui est de la “ généralisation ” du système, R. Confiant lui même dit tantôt blanc, tantôt noir. Pour plus de détails, on peut se reporter à l’étude de L.F. Prudent (1989).

Pour l’expansion du système, les faits sont vite établis ; on a vu que la système GEREC est plus inspiré du code graphique haïtien que l’inverse. Quant au seychellois, l’idée est absurde ; le code graphique seychellois a été mis au point par A. Bollée et D. de Saint-Jorre. Des adaptations ultérieures, pour la plupart absurdes, y ont été apportées par un coopérant français qui avait séjourné en Haïti ; l’influence, d’ailleurs regrettable, a été haïtienne et non martiniquaise.

La fable.

Ce sujet tient une place relativement importante dans la thèse de R. Confiant puisque c’est le premier genre littéraire pratiqué, en commun, dans la plupart des aires créolophones.

Comme toujours, les vues de R. Confiant sur l’histoire littéraire sont ahurissantes. On y apprend ainsi qu’à “ partir du XVIIIe siècle [en France] la fable est désormais un genre littéraire écrit ” (page 267). Comme Confiant vient de nous informer, deux lignes avant, avec tout autant d’originalité, qu’elle “ a cessé dès la fin du Moyen Age d’être un genre oral ” (ibidem), on incline à croire que pour notre auteur, le Moyen Age s’achève à la fin du XVIIe siècle. Passons.

Selon Confiant (car il s’agit pour lui d’expliquer le choix de ce genre) “ la fable, même écrite, demeure l’un des genres les plus proches de l’oralité ”..(page 268). Ce propos, qu’on pourrait juger pertinent dans son principe, l’est peu dans le cas du modèle choisi. Les Fables de La Fontaine, en dépit de leur apparente simplicité, sont parmi les textes les plus “ écrits ” qui soient, mais ce n’est pas le lieu de faire à R. Confiant un cours sur La Fontaine. Ce qui est curieux c’est que faute de connaître à la fois l’histoire littéraire française et les sociétés créoles anciennes, R. Confiant se livre à des contorsions explicatives qui n’éclairent guère que sur lui même. Deux choses très simples :

La première est que dans les sociétés créoles du XIXe siècle, la vie culturelle s’organise autour des seules références métropolitaines, qu’il s’agisse de littérature, de théâtre ou de musique. Si l’on prend, dans l’Océan Indien, un des plus anciens textes littéraires en créole mauricien (pour ne pas dire le plus ancien car une découverte est toujours possible), “ l’amant malheureux ” de F. Chrestien (1820) est une chanson dont le titre est suivi de la mention “ Air ; du bastring ” ; une autre chanson du même recueil “ L’ivrogne ” est composée sur l’air de “ Plus on est de fous... ”. Durant tout le siècle, on crée des paroles sur des airs connus et à la mode, de chansons ou d’opérettes ; cette habitude demeure presque jusqu’au milieu du XXe siècle et, à la Réunion, Georges Fourcade, lui-même auteur de fables créoles, dans les années 30, écrit encore certains de ses textes “ sur l’air de..; ”. Le choix des Fables de La Fontaine comme modèle s’explique tout bêtement par leur usage scolaire et le fait que tout le monde les connaît. De même que les airs qu’on choisit pour faire des chansons sont toujours les mélodies à la mode (“ Partant pour la Syrie... ”), de même une parodie créole d’un texte français suppose un texte de référence ou un modèle connu de tous. Il en sera de même pour les parodies en patatouète ou en argot qui choisiront volontiers aussi comme référence La Fontaine . “ Un pignouf de corbak sur un arbre planqué / S’envoyait par la fraise un coulant baranqué... ”.
R. Confiant, “ dan son san konnen ” comme on dirait en seychellois, s’interroge sur le sens du titre donné à ses Fables par Marbot “ Fables de la Fontaine travesties [souligné par moi] en patois créole ” ; “ “travesties ” au lieu de “ traduites ” commente-t-il sottement (page 334). Le commentaire que fait Confiant de “ travesties ” mériterait, si j’en avais le temps, un commentaire détaillé car il y accumule les incompréhensions. Par l’usage de ce terme, Marbot, qui n’est pas inculte, lui, s’inscrit dans la tradition du “ travestissement ” qui est une des formes du burlesque. Scarron dans le Virgile travesti “ travestit ” les sept premiers chant de l’Enéide et Furetière écrit aussi une version “ travestie ” du quatrième chant de ce même poème. Ici, le travestissement est de nature un peu différente : on ne change pas un texte poétique en réalité bourgeoise ou populaire, mais on travestit un modèle littéraire et/ou scolaire dans une langue ou un registre jugés inférieurs. On a sans doute soufflé à Confiant les deux lignes de la page 335 où il évoque la “ tradition du “ travestissement ”, du “ bouffon ” tel que le pratiquait un Scarron par exemple [l’usage de ce dernier terme est délicieux:] (page 335). La fin du texte montre d’ailleurs (page 336) que R. Confiant est incapable de tirer les conséquences de cette remarque. On ne peut donc que se réjouir que, dans la série des Guides, la rédaction de l’ouvrage sur la fable créole ait été confiée à J. Bernabé.

Le terme “ créole ” : étymologie et histoire.

Ce point est le plus important peut-être car il illustre parfaitement à la fois la psychologie et les méthodes de R. Confiant.
A la lecture de ses écrits on voit clairement que R. Confiant a été traumatisé par un épisode survenu il y a quelques années. Une publication locale a en effet reproduit côte à côte un portrait de Joséphine de Beauharnais, “ la belle Créole ” (comme il le rappelle lui-même, page 24) et une photo de R. Confiant, malicieusement intitulée, “ le beau Créole ”.. Toute la Martinique en a ri, sauf R. Confiant naturellement, car dans la nomenclature locale (qu’elle soit fondée ou non; nous allons y venir), R. Confiant n’est pas, de toute évidence, un créole au sens martiniquais traditionnel du terme.

Venons en à ce terme. Quoique R. Confiant cite, dans sa bibliographie, mon livre de 1992 sur la créolisation linguistique et culturelle, il est clair qu’il ne l’a pas lu. Il pourrait certes être en désaccord sur mes points de vue, mais il est impossible d’en refuser les ÉLÉMENTS OBJECTIFS abondants sur l’histoire et le sens du mot “ créole ”.
Là encore, on ne peut réfuter tous les passages où il revient sur ce thème, chez lui obsessionnel pour des raisons qui tiennent sans doute à son histoire personnelle.

Prenons donc le point de départ :

“ Par quel tour de passe-passe sémantique le qualificatif anthropologique de “ créole ” en est-il venu à désigner les seuls “ Békés ” alors que très tôt - c’est-à-dire dès son apparition en espagnol à la fin du 15e siècle - sous la forme “ criollo ” laquelle a ensuite été francisée - il a signifié “ Né et élevé aux Amérique ” sans caractérisation raciale particulière. Que ce soit chez le Père Labat en 1694 ‘“ Le nègre qu’on m’avoit donné étoit créole ” Nouveau Voyage aux Isles de l’Amérique p 81) , chez Victor Schoelcher en 1878 [... je saute des références inutiles ici puisque nous débattons de l’origine et du sens initial du mot qui, ensuite, selon les lieux a pris des sens divers ; cf. R. Chaudenson, 1973, 1974, 1992; 2001)] ce terme a pourtant été constamment utilisé dans son acception originelle. ” (pages 24-25).

Le plus simple est de suivre le texte pas à pas pour y examiner successivement les ignorances et/ou les mensonges de R. Confiant. Ils portent sur un point capital de son travail, comme il le souligne lui même en citant J. Bernabé : “ C’est donc au coeur même de l’étymologie du mot créole que semble prendre source le paradoxe ” (Bernabé, 1995 : 25 cité in Confiant, page 29). 

Si ce point est si important, il mérite d’être examiné de près.

Sur l’histoire même du mot “ créole  ”, il y a depuis 1963, une référence incontournable que naturellement R. Confiant ignore. Il s’agit de l’étude qu’en a fait R. Arveiller dans sa Contribution à l’étude des termes de voyage en français (1505-1722), Paris, D’Artrey, pp. 204-208. Je la cite bien entendu dans mon livre que Confiant est censé avoir lu.

Selon R. Arveiller à qui on peut faire une confiance aveugle en raison du soin extrême de ses travaux et son érudition immense, la prremière attestation, en espagnol semble-t-il, ne remonte nullement à la fin du XVe siècle, mais plutôt au deuxième quart du XVIIe siècle. Ce point est mineur ; il vise juste à montrer que R. Confiant dit n’importe quoi avec assurance, mais, comme toujours sans la moindre référence (Rappelons que nous somme en présence d’une thèse et non d’un article de Grif an Tè). La première attestation en français (emprunt à l’espagnol sous la forme “ crollo ”) est donc de 1598 selon R. Arveiller qui suit sur ce point Dauzat (1983 : 204).

Le gros mensonge est le suivant : le mot signifierait, en espagnol, “ “ Né et élevé aux Amérique ” sans caractérisation raciale particulière. [souligné par moi] ” (page 25). Or,TOUTES LES ATTESTATIONS anciennes du mot indique que ce mot s’applique à des Blancs nés aux Indes (entendre par là en Amérique ou aux Isles). Il suffit d’ailleurs de citer la jolie définition latine donnée dans un Dictionnaire espagnol ancien : “ Indus patria, Hispanus genere ”. Traduisons le latin pour R. Confiant : “ Indien par la patrie [le lieu de naissance], Espagnol par la race ”. R. Arveiller (1963) puis moi-même (1992) avons  souligné ce point par des attestations innombrables et je juge inutile d’y insister. La falsification est patente car sauf à n’avoir jamais lu une ligne sur ces questions, R. Confiant ne peut pas ne pas le savoir. Ce sens sera repris d’ailleurs par les premiers dictionnaires français. Je laisse ici de côté les évolutions du mot que j’ai longuement étudiées dans les divers contextes (Cf. R. Chaudenson, 1992, 2001).

Poursuivons la lecture du texte de Confiant. Comme toujours la référence de Labat (dans le texte comme dans la bibliographie) est fausse ; ce n’est pas 1694 mais 1722. Cette falsification n’est pas innocente me semble-t-il, car elle contribue à rapprocher la citation de plus d’un quart de siècle du peuplement de l’île. J’ai moi-même expliqué depuis longtemps comment dans le terme “ créole ” l’élément sémantique d’“indigénéité ” a conduit à étendre son usage à des non-Blancs puisque le petit nombre de femmes européennes faisait que la plupart des enfants ne pouvaient être “ de pure race blanche  ”. La citation de Labat, quand on lui donne sa vraie date (1722) n’ a donc rien de remarquable et il en est d’antérieures. 

L’acception “ originelle ” que propose R. Confiant est donc TOTALEMENT fausse. Tout cela, répétons le une dernière fois, figure dans une thèse qui a valu à son auteur le titre de docteur et lui a permis de devenir enseignant d’université. Tout cela est extrêmement grave et il m’a paru nécessaire de me livrer à ce travail, même si, selon moi, un tel ouvrage ne mérite nullement la peine et le temps que j’ai consacrés à sa lecture.

 


 
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